D’emblée, l’auteur explique l’origine de son livre. Il lui a été suggéré « par l’étonnement – ou l’irritation – suscitée, au début de l’année 2015, par l’usage invraisemblable et littéralement diluvien du mot " républicain " par les médias, les pouvoirs publics, la classe politique et les buveurs d’anisette. »
Frédéric Rouvillois fait ici référence aux propos tenus après les attentats de janvier à Paris. Nul doute que cela vaut aussi pour les réactions formulées après les massacres de novembre dans la capitale française.
Tous républicains
L’article 1 de la Constitution affirme que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». C’est un fait. Nul ne songe à remettre en question cette réalité. Il n’empêche que l’on peut néanmoins s’interroger sur le sens de ce mot république, qui signifie aussi le « gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple ».
C’est la démarche de Frédéric Rouvillois. L’auteur, professeur de droit public à l’université de Paris-Descartes, ne manque pas de rappeler d’abord que beaucoup de partis politiques français ont tenu à mettre le mot république dans leur appellation y compris ceux qui s'avéraient des adversaires de la République.
Il cite notamment Waldeck-Rousseau, le chef du « gouvernement de défense républicaine » qui, en 1902, pouvait ainsi remarquer : « Je regarde ce qui se produit dans le pays et je n’aperçois plus que des républicains […]. Il est vrai, qu’on est républicain conservateur, on est républicain indépendant, on est républicain nationaliste, et il y aura avant peu, je n’en doute pas, des républicains monarchistes, des républicains impérialistes et peut-être des républicains césariens ». L’auteur dresse ainsi la liste des partis politiques qui se sont désignés républicains, jusqu’à aujourd’hui et la création, à la place de l’UMP, des « Républicains ».
Critères
Alors que faire pour discerner le vrai du faux ? Que dire pour définir la république et « l’esprit républicain » ? On peut, à cette fin, prendre quelques critères de sélection.
Définir la République par le suffrage universel ? Pas sûr. Des républicains y furent hostiles. Et puis le suffrage universel n’a-t-il pas permis d’approuver le coup d’Etat de Napoléon III ?
La République selon l'éducation ? Sous l’ancien régime, grâce aux Lumières, la nécessité d’éduquer, d’instruire était déjà mis en avant même si cet impératif ne fut pas tout de suite mis en pratique même après la proclamation de la République, le 22 septembre 1792. Et puis il n’y pas vraiment de doctrine républicaine de l’éducation, selon Frédéric Rouvillois.
Dans son livre, l’auteur prend d’autres critères pour tenter de donner une définition précise de la République mais en vain. Il reprend les grandes dates de l’histoire de France et parle de construction mythologique fondée sur une sélection d’événements. Parmi eux, il y en a un, incontestable, consensuel : « L’affaire Dreyfus », considérée, rappelle Frédéric Rouvillois, comme le « mythe fondateur » du « modèle républicain ».
Dans sa conclusion, le professeur de droit constate « que le mot " républicain " renvoie soit à un concept indéterminable résultant de ce que la " République ", dont il dérive, est elle-même insusceptible de définition générale et abstraite ; soit, au contraire, à un concept " plein ", relativement déterminé, mais résultant d’une construction artificielle réalisée a posteriori à partir d’un cas particulier arbitrairement choisi, à un moment précis de la IIIe République française ».
Sans doute déçu de ne pas avoir pu définir précisément cet objet d’étude, Frédéric Rouvillois regrette que l’on en reste finalement à la cour de récréation. « Républicain ? Non républicain ? C’est celui qui dit qui y est, ou l’inverse. Peu importe. Le degré zéro, en somme ».
Pour en savoir plus :
Emission Idées, dimanche 31 janvier 2016 à 16h10 TU.