Un an après, elle décrit ce 7 janvier 2015 comme « le pire jour de sa vie ». Elle savait que l’équipe de Charlie Hebdo travaillait là, mais sans avoir été vraiment prévenue. Elle se souvient du jour où l’équipe du journal satirique s’est discrètement installée.
Anna : Ça s’est fait un peu comme ça en cachette. Ils sont arrivés avec leurs cartons. En riant un peu jaune, on parlait de notre patron et on se disait qu’on espérait qu’il avait une bonne assurance en cas d’incendie ou ce genre de choses. Mais on n’aurait jamais pensé que ça irait jusque-là. Et on était un peu en colère aussi quand même qu’ils viennent là, sans prévenir. Il y aurait eu une bombe, je ne serais pas là en fait. Je ne suis pas en colère contre Charlie Hebdo, mais que ce soit avant les évènements ou après, on a été très peu prévenus, un peu pris en main, mais pas beaucoup, parce que c’était un peu la panique pour tout le monde que ce soit les équipes psychologiques. On a été un peu les oubliés avant et après.
Comment avez-vous géré l’après-attentat ? Est-ce qu’on vous a proposé de voir des gens, des médecins ?
Mon entreprise a essayé de contacter toute l’organisation qui était censée s’occuper de nous. C’était un peu le désordre. Des psychologues sont finalement venus. Ils nous ont fait parler en groupe. Mais après, très vite, c’était à chacun de son côté de se débrouiller. Je me souviens qu’il y a quelqu’un qui est venu faire une enquête après justement, comment on avait été suivis, pour si jamais ça se repasse. C’est à l’époque, c’est un peu étrange d’en parler, mais si jamais ça recommençait, qu’ils sachent comment le gérer parce qu’ils ont été dépassés. Ce n’était jamais arrivé ce genre d’évènement. Donc ils ont fait ce qu’ils ont pu. Mais c’est vrai que j’ai pu parler vraiment de mon ressenti peut-être six mois après à quelqu’un qui s’y intéressait.
Quelles traces cet évènement a laissées au fond de vous-même ?
C’est un peu dur. Des fois j’oublie et des fois ça revient. Je pense que j’ai une peur un peu constante maintenant. J’ai l’impression qu’à chaque coin de rue ou dans le métro, quelqu’un va sortir une arme et tirer. Mais la vie continue.
Et votre vie justement, elle continue. Mais a-t-elle changé ou pas ?
Oui, je suis peut-être un peu moins légère, un peu plus lucide sur les choses et ce qui peut se passer en France aujourd’hui. On pensait que ça n’arrivait qu’ailleurs.
Les images rediffusées pendant toute cette semaine de commémoration, comment les recevez-vous ?
Je ne les reçois pas. Je ne regarderai pas la télé. Je ne peux pas en fait. Ça veut dire que là, comme ça, ça va. Mais si on me remontre ces images, je ne peux pas regarder, c’est trop douloureux. Ça fait un an, mais c’est pareil. Si je vois encore un mec cagoulé, je ne suis pas à l’aise.
Un an après, qu’est-ce qui reste finalement de ce 7 janvier 2015 ?
Un petit traumatisme. Oui, évidemment je n’étais pas visée moi personnellement, ni mes collègues. C’était Charlie, mais ça, je ne le savais pas quand les deux mecs armés sont entrés et quand je me suis mise sous le bureau. J’ai eu peur comme tout le monde. J’ai eu peur de mourir, donc ça après on s’en remet comme on peut.