Des régions FN sous sa présidence ? Ce n'est pas cette trace-là que François Hollande entend laisser dans l'Histoire. D'où le retrait sacrificiel adopté sans débat dimanche soir par les socialistes dans les régions où l'extrême droite pourrait l'emporter.
Manuel Valls : le retrait des listes PS mais pas de mea culpa
Manuel Valls avait fait du Front national l'ennemi à combattre lors des élections régionales. Après une campagne escamotée par les attentats du 13 novembre, le parti de Marine Le Pen est arrivé en tête du premier tour du scrutin. Un échec pour le Premier ministre qui ne s'est pas exprimé dimanche soir et a attendu 24h pour venir plaider une nouvelle fois en faveur du Front républicain, au journal télévisé de TF1.
Sur le plateau, le Premier ministre a commencé par prendre acte de la poussée frontiste sans en accepter tout à fait la responsabilité : « J'entends, moi, bien sûr, et depuis longtemps, la colère, les angoisses des Français sur les questions de sécurité, sur le chômage, sur l'exclusion, sur les peurs, mais je ne suis pas venu ici ce soir sur votre plateau pour m'excuser. »
Il a ensuite tout tenté pour contraindre le candidat socialiste dans la région Grand-Est, Jean-Pierre Masseret, à retirer sa liste pour faire barrage au FN. L'enjeu de ces régionales, pour Manuel Valls, c'est de choisir entre deux visions de la France et de la République. « Dans ces moments-là, il ne faut pas s'accrocher, il faut être à la hauteur de l'enjeu [...] Moi j'assume mes responsabilités, c'est la grande différence entre nous et Nicolas Sarkoy, entre moi et Nicolas Sarkozy. » Une injonction vaine puisque Jean-Pierre Masseret a annoncé qu'il maintenait sa candidature.
Montrer sa crédibilité sur le terrain des valeurs, c'est pourtant la carte de Manuel Valls qui a appelé clairement à voter pour les candidats des Républicains dans les régions où ils sont les seuls à pouvoir empêcher le FN de gagner : Provence-Alpes-Côte d'Azur, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne.
Cette posture conforme à la tradition de la gauche française n'est pas observée par le camp de la droite : dès dimanche soir Nicolas Sarkozy rejetait lui toute fusion ou toute « combine d'appareil », comme il dit. Impensable, surtout à ses yeux d'apparaître comme l'allié des socialistes à un an et demi de la présidentielle. En renvoyant dos à dos Marine Le Pen et François Hollande, Nicolas Sarkozy entend incarner lui, et lui seul, l'alternative en 2017. Le « ni-ni » est déjà un slogan de campagne.
Nicolas Sarkozy : Les Républicains, « seule force » d'opposition
Alors que le chef du gouvernement socialiste s'exprime sur TF1, le leader du parti Les Républicains s'explique sur la contre-performance de la droite, au journal de 20h de France 2. Accusé d'« irresponsabilité » par Manuel Valls, NicolasSarkozy a défendu sa stratégie de l'entre-deux tours : « ni fusion, ni retrait », et a tenu à remettre les pendules à l'heure - « il faut maintenant mettre les points sur les "i" » -: non, son camp n'est pas dépassé par le Front national. Il reste même le meilleur rempart face à l'extrême droite. « La seule force politique qui peut faire opposition au Front national, ce sont Les Républicains », s'est-il exclamé.
Racines chrétiennes de la France, identité nationale, civilisation européenne... L'ancien président multiplie les mots clés qui résonnent aux oreilles des électeurs FN : « La question du Front national, quand on dit ce n'est pas un vote républicain, ce n'est pas vrai, puisqu'ils ont le droit de se présenter. Quand on dit c'est une faute morale de voter pour eux, ce n'est pas vrai. C'est juste qu'ils vont conduire le pays et vos régions dans le désordre. »
Pas question pour lui de débattre maintenant de sa stratégie malgré les critiques qui se font entendre dans son camp. L'heure est à la mobilisation. « La question n'est pas un problème de ligne. La question, c'est que nous arrivions tous ensemble parce qu'on a besoin de tout le monde. C'est assez complexe comme cela, de convaincre les Français qu'on peut sortir la France de la situation dans laquelle elle se trouve », a estimé l'ancien chef de l'Etat. Droit dans ses bottes, Nicolas Sarkozy se pose en recours face au FN, sans regarder en arrière, l'esprit tourné vers le second tour, en espérant regagner le terrain perdu.
Quant à François Hollande, silencieux dans la défaite, mais pas inactif, il espère bien endosser la figure du rassembleur, plus républicain que le patron du parti Les Républicains. Car, dernier scrutin avant la présidentielle, ces élections régionales sont chargées d'arrière-pensées nationales.
■ En Picardie, le désarroi des électeurs PS
Que vont faire les électeurs PS après le retrait de leur candidat en Nord-Pas-de-Calais-Picardie ? Reportage à Roye, en Picardie, avec notre envoyé spécial Pierre Firtion.
Voilà plus de 60 ans que Roye est aux mains des socialistes. Pourtant, ici aussi le PS a mordu la poussière dimanche au soir du premier tour des Régionales. Marine Le Pen a devancé la liste de Pierre de Saintignon de plus de 15 points.
Aujourd'hui, les électeurs socialistes apparaissent autant désarçonnés par le score de Pierre de Saintignon que par le choix du PS de retirer sa candidature. « Je ne voterai pas pour elle, mais je ne sais pas ce que je vais faire. Je ne sais pas si je mets quelque chose, si j’en mets deux, si je n'y vais pas, si je n'en mets pas, je ne sais pas », confie Gérard.
La consigne de voter Xavier Bertrand pour faire barrage à l'extrême droite a également du mal à passer auprès des élus socialistes. « Il faut qu’on se réunisse, qu’on en parle, mais ce n’est pas une idée qui m’enthousiasme à première vue. Quand on a entendu Nicolas Sarkozy dire : ‘Pas de fusion, pas de retrait’, et qu’on voit que les socialistes se retirent en rase campagne, ça provoque une certaine colère », fulmine Philippe Lemaire, l'un des adjoints au maire de la ville.
Le candidat du parti Les Républicains a encore trois jours pour convaincre la grande majorité des électeurs socialistes de se rallier à sa candidature. Un pari loin d'être gagné.