France: Marine Le Pen sera-t-elle présidente de la région Nord?

La présidente du Front national a réalisé un score historique en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie dimanche 6 décembre 2015 : elle récolte 40,64 % des suffrages au premier tour des régionales, devançant largement la liste de coalition de droite dirigée par l'ancien ministre Xavier Bertrand (24,97 %), et le candidat PS-PRG Pierre de Saintignon (18,12 %). Mais Marine Le Pen n'est pas assurée de ravir la présidence du Conseil régional. Car la liste de gauche, qualifiée pour le deuxième tour, s'est retirée du scrutin.

Le Front national sort grand vainqueur du premier tour des élections régionales 2015, avec un score national inédit de 28 % des voix. Après une percée spectaculaire l'an passé aux municipales puis aux européennes, le FN arrive en tête aux régionales dans six régions, et semble en mesure de l'emporter dans au moins trois d'entre elles au second tour. Parmi ces régions : le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, dont la présidente du parti a fait sa terre d'élection, et où les électeurs ont gratifié sa liste d'un score équivoque de plus de 40 % des suffrages (voir les résultats ici).

« Le seul front véritablement républicain »

Au total, dans la « grande région » Nord, c'est un véritable raz-de-marée frontiste dans quatre départements sur cinq. A Calais, où vivent 4 500 migrants, la liste conduite par Mme Le Pen obtient plus de 49 % des voix. Son score est encore plus élevé à Hénin-Beaumont, ville gérée par le Front national, où elle récolte plus de 60 % des suffrages. Partout, les adversaires du FN sont très loin derrière. Alors, forcément, avec de tels résultats, les militants étaient aux anges dimanche soir au QG de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont, où s'est rendu notre envoyé spécial Pierre Firtion. Les membres du parti ont trinqué dimanche soir à ces résultats totalement inédits.

C'est en effet du jamais-vu à ce niveau en France depuis la création du FN en 1972. Le parti d'extrême-droite semble soutenu à la fois par le climat post-attentats, et par la situation économique morose, avec un chômage toujours à la hausse. La droite de gouvernement, tout comme la gauche de gouvernement, sont à la peine, et la nouvelle donne invite à définir une nouvelle stratégie offensive avant le second tour. Revient donc la question du « front républicain », les désistements réciproques entre gauche et droite pour faire barrage au FN. Marine Le Pen l'a bien compris, contre-attaquant dès son premier discours dimanche soir sur ce thème :

« Le Front national est le seul front véritablement républicain, a déclaré la fille de Jean-Marie Le Pen. Car il est le seul à défendre la nation et sa souveraineté ; il est le seul à défendre une République authentiquement française, une République qui n'a d'autre vocation que l'intérêt national, le développement de l'emploi français, la préservation de nos modes de vie, la mise en valeur de nos traditions et la défense de tous les Français, et notamment des plus vulnérables. J'appelle tous les électeurs qui se sentent avant tout patriotes, à tourner le dos à cette classe politique qui les trompe. Je les invite, quel que soit leur vote du premier tour, à nous rejoindre dès dimanche prochain. »

« Rien ne m'inquiète », assure Marine Le Pen

« Front républicain » contre le Front national, cette perspective a été rejetée tout net par le président du parti Les Républicains, Nicolas Sarkozy. Mais à l'inverse, le premier secrétaire du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis a appelé, depuis Paris, au retrait des listes PS dans les régions Nord et Sud-Est - où le FN est largement en tête aussi. Et en Nord-Pas-de-Calais-Picardie notamment, la tête de liste PS-PRG s'est exécutée. Pourtant qualifié pour le deuxième tour, Pierre de Saintignon s'est désisté. Ce qui donnera lieu, comme en PACA dans le sud, à un duel régional inédit : droite contre extrême-droite, Xavier Bertrand contre Marine Le Pen.

Malgré cette stratégie mise en place par la gauche, la partie est loin d'être gagnée pour la droite dans le nord de la France. Mais dans cette grande région, les militants frontistes étaient un peu moins souriants en fin de soirée lorsqu'ils ont compris ce qui se tramait. Le retrait de M. de Saintignon a quelque peu irrité Marine Le Pen elle-même, comme en atteste sa réaction courroucée :

« La tête de liste du PS demande à ses électeurs de se faire " hara-kiri " et de voter pour quelqu'un qui a affirmé pendant toute sa campagne que la région était dirigée par une " bande de feignasses », gloussait dimanche soir Mme Le Pen, qui se retrouve désormais seule au deuxième tour avec un Xavier Bertrand fort de ce désistement. Lundi matin, la présidente du Front national est revenue à la charge, moquant le PS qui, « comme la secte du temple solaire, a décidé d'un véritable suicide collectif ». En se retirant, le PS renonce aux sièges qui devraient lui revenir dans les conseils régionaux concernés.

Les reports de voix scrutés à la loupe

La présidente du Front national part favorite, mais le désistement du candidat socialiste rebat en effet les cartes. S'ils reportent leurs votes sur la liste de droite LR-UDI-Modem-CPNT, les partisans de la liste PS-PRG peuvent affaiblir la présidente du Front national au deuxième tour. Cette dernière trouvera-t-elle des soutiens chez les électeurs des candidats éliminés ? C'est l'une des questions.

L'on scrutera de près le choix que feront les électeurs des autres listes en lice au premier tour, dont celle du Parti communiste (5,32 %), d'Europe Ecologie-Les Verts-Parti de gauche (4,83 %), de Debout la France (2,39 %) ou encore celle de Lutte ouvrière (1,75 %). « Rien ne m'inquiète », a réagi Marine Le Pen sur la chaîne de télévision France 3. « La situation sera évidemment plus compliquée que si on avait respecté la démocratie », a-t-elle néanmoins reconnu.

« Mort aux pauvres »

Ce retrait de la liste PS est un « braquage républicain », selon Marine Le Pen, qui a lancé lundi matin une première salve contre son adversaire du second tour. Le programme de Xavier Bertrand, c’est « Mort aux pauvres ! », a déclaré la présidente du Front national lors d’une conférence de presse à Hénin-Beaumont. Pourquoi une telle attaque ? Tout simplement parce que son adversaire a notamment pour projet de lutter contre la fraude au RSA. En disant cela, la candidate frontiste fait un appel du pied aux électeurs de gauche, afin qu’ils ne votent pas pour Xavier Bertrand dimanche prochain.

Marine Le Pen a donc sorti l’artillerie lourde, elle qui a pourtant appelé quelques minutes plus tard à une campagne digne pour le second tour. Xavier Bertrand, de son côté, tente de dérouler sur le thème du candidat du rassemblement : « La liste de rassemblement de la droite et du centre que je conduis est la seule alternative possible contre l'extrême-droite », a constaté l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy depuis Tourcoing dimanche soir. « Voter FN conduira la région à une voie sans issue et au déclin définitif », a-t-il précisé, avant de lancer son appel : « Je dis aux électeurs de la gauche qu'ils peuvent se retrouver dans le projet que je conduis. »

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