«Jungle» de Calais: Bernard Cazeneuve face aux critiques

En France, 800 personnalités se sont mobilisées ce mardi dans le journal Libération pour alerter l’opinion publique sur le sort des migrants dans la « jungle » de Calais. Cette zone n’est pas délaissée par le gouvernement, a affirmé Bernard Cazeneuve. Le ministre de l’Intérieur doit se rendre sur place ce mercredi 21 octobre.

Le déplacement de Bernard Cazeneuve à Calais ce mercredi sera le septième depuis son arrivée au ministère de l’Intérieur il y a dix-huit mois. Cette fois, le « premier flic de France » dit y retourner en raison de la détérioration des conditions de vie des migrants sur place.

Et on peut parler de conditions de vie abominables pour ces réfugiés, et très précaires. Pas de douche dans cette lande, il n’y a que quatre points d’eau et une quarantaine de toilettes pour près de 6 000 personnes. (Le nombre de migrants dans la « jungle » a doublé au cours des trois dernières semaines). Et quand le soir tombe, beaucoup préfèrent faire leurs besoins près de leur tente. A ces excréments s’ajoutent des monticules de déchets. Il n’y a pas de poubelles, juste quelques bennes à ordures, mais certaines tentes en sont éloignées.

Ces conditions sanitaires sont propices aux maladies et même aux épidémies, s’inquiètent Médecins Sans Frontières, car rien n’est vraiment contrôlé ici. Les réfugiés vont et viennent. Ils posent leurs tentes là où ils trouvent encore un peu de place. Il n’y a aucun registre tenu, si bien que même les associations ne savent pas avec exactitude combien de réfugiés se trouvent ici.

« Les conditions de vie des migrants sont plus difficiles à mesure que leur nombre grandit. Ces populations doivent être protégées », insiste Bernard Cazeneuve.

Le ministre souligne tous les efforts déjà fournis par le gouvernement pour permettre un meilleur accueil. Sur le plan humanitaire, un centre de jour et un autre pour les personnes vulnérables, dont la capacité doit être portée à 200 places d'ici la fin de l'année, ont été ouverts. « Aucune femme, aucun enfant ne sera sans abri à Calais pour les mois qui viennent », assure-t-il. Sur le plan sécuritaire, 1 300 policiers et gendarmes sont en permanence sur place. « Un effort considérable dans le contexte actuel », estime le ministre.

L'humanitaire et le sécuritaire sont les deux piliers de la politique gouvernementale à Calais. Bernard Cazeneuve ne devrait pas s'en dédire ce mercredi. Ce sont sur ces deux fronts que des annonces sont attendues. Mais le ministre ne devrait pas non plus oublier de parler du Royaume-Uni, avec qui il faut rendre la frontière « plus étanche », selon lui.

« Un désengagement de la puissance publique » à Calais

Ce déplacement de Bernard Cazeneuve intervient au lendemain d’un appel lancé par 800 personnalités françaises, dont la comédienne Jeanne Moreau et l’économiste Thomas Piketty, sur le site internet du quotidien Libération. Ces personnalités déplorent « un désengagement de la puissance publique » dans la « jungle », un camp informel toléré par les autorités depuis sa formation début 2015. « Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire un appel d’air envers d’autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés », dénoncent les signataires.

A Calais, l’annonce de Bernard Cazeneuve de porter à 200 le nombre de places dans le centre d’accueil Jules-Ferry est loin d’être jugée satisfaisante. « Il y a 6 000 personnes qui vont entrer dans l’hiver, qui vont entrer dans le froid, et tout ce qu’on annonce, c’est 200 places sous des tentes chauffées pour 200 femmes et enfants. Je crois qu’on est complètement à côté du problème », se désole ainsi Christian Salomé. Le président de l’association L’Auberge des migrants appelle à la création d’un camp de réfugiés « dans des conditions normales pour des réfugiés de guerre, pas des tentes chauffées sur un bidonville ».


■ L'évacuation des migrants de Calais en avion privé fait polémique à l'Assemblée

A l’Assemblée nationale, l’évacuation des migrants de Calais en jet privé fait polémique. Cette opération évaluée à plus de deux millions d’euros par an vise à désengorger la « jungle » en évacuant les migrants vers d’autres centres. « L’utilisation d’un avion, tout comme l’utilisation d’un train, tout comme l’utilisation de voitures, je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de choquant à cela. L’essentiel [...] est que la question de Calais puisse être réglée et les conditions là-bas ne sont pas bonnes », tente d’argumenter le patron du groupe socialiste à l’Assemblée Bruno Le Roux, face à l’opposition qui dénonce un dispositif aérien complètement absurde.

A côté de lui, le socialiste Patrick Menucci se fâche un peu, dénonçant une politique qui n’a pas lieu d’être, alors que l’avion utilisé pour déplacer est déjà budgeté, dit-il, pour servir à d’autres missions policières.

« Un scandale ! » hurle le Front national. « Choquant », renchérit le patron des députés Les Républicains Christian Jacob. Le juppéiste Benoist Apparu dénonce quant à lui un « non-sens ». Pas d’évacuer les migrants, explique-t-il, mais de les évacuer en France. « Il y a une condition. C’est qu’effectivement on raccompagne ces migrants dans leurs pays d’origine. Si c’est pour les réinstaller ailleurs sur le territoire national, je ne suis pas convaincu que ce soit une solution très pertinente », estime-t-il.

Treize vols d’évacuation ont été effectués depuis début octobre. Selon les associations de défense des réfugiés, de nombreux migrants seraient déjà de retour à Calais.

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