Journées du patrimoine : les cinq vies de la Tour Saint-Jacques

Initialement clocher d’église, puis lieu d’expérimentation scientifique, fabrique de plomb et enfin station météo, la Tour Saint-Jacques, située en plein centre de Paris, est ouverte au public depuis 2013. Ce monument historique érigé au XVIe siècle constitue l’un des meilleurs points d’observation de la capitale.

Y accéder relève presque un privilège. Ouverte au public depuis 2013 mais seulement les mois d’été, la Tour Saint-Jacques se mérite. Exiguïté de l’escalier oblige, seulement dix-sept personnes à la fois peuvent la visiter pour des questions d’organisation mais surtout de sécurité. Mieux vaut réserver donc (1 groupe de 17 personnes maximum par heure) mais l’ascension – 300 marches quand même – en vaut franchement la peine. Une fois parvenu au sommet, c’est l’extase, surtout par grand beau temps comme c’était le cas récemment.

Située en plein centre de Paris, au carrefour de deux axes majeurs tracé par le baron Haussmann - la rue de Rivoli et le boulevard de Sébastopol - cette tour carrée construite il y a cinq siècles offre en son sommet une vue unique sur Paris, à 54 m de haut et à 360°. Rien à voir avec la Tour Eiffel ou la Butte Montmartre, ici, Paris est presqu’à portée de main. Et si l’on connaît, un tant soit peu, la capitale, on passe de longs moments à observer les rives de la Seine toute proche, les immeubles et les monuments familiers ainsi que tous les reliefs de la cité bimillénaire, tels qu’on ne les avait jamais vus.

Des bouchers à Blaise Pascal

Si la Tour date de cinq siècles – elle a été construite de 1509 à 1523 – il faut remonter aux années 1060 pour en trouver la genèse. Dans ce pieux royaume de France du Moyen-âge, chaque corporation se doit d’avoir son église et ce sont donc les bouchers de Paris, installés dans ce qui est déjà « le ventre de Paris » (la proximité de la Seine aide à l’évacuation des peaux et des odeurs), qui réunissent des fonds afin de faire ériger la chapelle Saint-Jacques-le-Majeur, du nom de l’un des douze apôtres de Jésus. Mais dans l'esprit de tous, elle devient assez vite l’Église Saint-Jacques-de-la-Boucherie.

Il faudra cependant attendre le début du XVIe siècle pour que la chapelle soit dotée d’un clocher digne d’elle, qui remplace le beffroi initial. Cette tour carrée de style gothique flamboyant sera financée pour une bonne part par les paroissiens eux-mêmes et aussi par la corporation des bouchers qui ont plus que jamais pignon sur rue dans le quartier à cette époque. Si l’aspect de la Tour a un peu changé depuis, elle se distingue déjà, aux quatre coins de son sommet, par les statues des quatre évangélistes – Saint-Marc en lion, Saint-Luc en taureau, Saint-Jean en aigle et Saint-Mathieu en ange – celle de Saint-Jacques dominant, en majesté, le versant nord-ouest. Mis à part les tours de Notre-Dame, aucun édifice n’est alors plus haut dans Paris.

Deux siècles et demi plus tard, la Révolution balaie tout sur son passage et la chapelle n’y résiste pas. Laissée à l’abandon, elle est finalement vendue comme bien national et démontée pierre par pierre pour servir de carrière. Il faut tout l’acharnement de l’architecte responsable de la vente – qui impose dans l’acte de cession une clause épargnant la Tour – pour que le monument soit sauvegardé. Les arguments ne manquent pas : sa hauteur évidemment et aussi, plus symbolique, le fait que Blaise Pascal – génie français respecté de tous bords – s’y soit livré à des études sur la pesanteur de l’air au milieu du XVIIe siècle. Le savant éclectique y aurait notamment répété les expériences réalisées dans le Puy-de-Dôme qui débouchèrent sur la publication de son Traité du Vide en 1651.

Du plomb à la météo

Sauvée in extremis de la destruction, la Tour entame une deuxième vie peut-être inspirée par les expériences de Blaise Pascal sur le vide. Un industriel dénommé Dubois la rachète à la République en 1824 pour en faire une fabrique de plombs de chasse. Le principe est relativement simple : faire tomber du plomb en fusion depuis le sommet à travers des grilles formatées pour qu’il se durcisse et se transforme en billes une fois plongé dans l’eau glacée, 50 m plus bas. Cette reconversion, pas très catholique pour le coup, sera heureusement de courte durée. La ville de Paris rachète la Tour en 1836 alors que la capitale est en train de se transformer en profondeur sous la gouverne du baron Haussmann.

Dès lors, celle qui devient officiellement la Tour Saint-Jacques est totalement rénovée par Théodore Ballu, un architecte parisien de renom qui se situe dans la même mouvance qu’Eugène Viollet-le-Duc. Impressionné par son exil de deux ans à Londres, Napoléon III y inaugure alors, en 1856, le premier square de la capitale en présence, s’il vous plaît, de la reine Victoria herself. Refait depuis, ce square qui sert d’écrin au monument fait 6 000 m2 de superficie. L’année suivante, la République a une pensée pour Pascal en lui érigeant une belle statue à la base de la Tour, sculpture signée Jules Cavelier. Déclarée monument historique en 1860, la Tour Saint-Jacques occupe une nouvelle fonction à l’approche du XXe siècle en devenant la station météo de référence de la Ville de Paris.

De 1898 au début des années 2000, elle servira en effet de principal point d'observation météo de la capitale, en liaison avec le centre du Parc Montsouris dont les locaux sont désormais à Saint-Mandé, près du Bois de Vincennes. Consciente de la richesse de ce patrimoine et de son intérêt panoramique, la Mairie de Paris s’associe à la Direction des Monuments historiques pour entamer de gigantesques travaux de rénovation qui vont durer huit ans de 2001 à 2009 et coûter, de source officielle, 8,3 millions d’euros.

Une nouvelle vie commence

Il faut dire que le la tâche est considérable, car la Tour est constituée de calcaires différents, une pierre dont la longévité n’est pas la qualité première et qui souffre particulièrement du climat parisien, de la pollution et …des fientes de pigeons, ses pires ennemies. L’œuvre est confiée aux Compagnons du devoir qui restaurent peu à peu l’édifice en utilisant son calcaire originel : de la pierre de Saint-Leu.

Depuis l'été 2013, la Tour est donc ouverte au public du premier week-end de juin au dernier week-end de septembre, les visites étant confiées à Des Mots et Des Arts, une agence parisienne spécialisée dans l'Histoire de l'art. Tour à tour clocher d’église, lieu d’expérimentation scientifique, fabrique de plomb et station météo, le majestueux édifice se verrait bien savourer désormais cette cinquième vie d'attraction touristique pour quelques siècles encore.  

NB: Pendant les Journées du patrimoine (19 et 20 septembre), les visites guidées seront toutes gratuites  mais il n'y aura aucune réservation possible sur internet. Les réservations se feront directement sur place à l'ouverture de l'accueil, à 10h00, dans l'ordre d'arrivée des visiteurs.Les visites guidées seront organisées comme d'habitude de 10h00 à 17h00 pour des groupes de 17 personnes maximum, soit un total de 136 visiteurs par jour.

Partager :