On le surnomme toujours « Quai d’Orsay », mais son nom complet est désormais « ministère des Affaires étrangères et du Développement international ». Le « développement international », ajouté en 2014 alors que Laurent Fabius était déjà à la tête de la diplomatie française, montre à quel point l’économie est désormais intimement liée à l’action internationale du pays.
Une évolution que confirme Maryse Bossière, actuelle ambassadrice de France au Mexique : « Nous sommes un pays qui a besoin d’exporter, nous avons une balance commerciale déficitaire. Donc, comme mes collègues, je me sens mobilisée pour appuyer les entreprises exportatrices françaises. » De quelle façon ? « En informant les entreprises françaises sur les opportunités au Mexique, sur les spécificités de ce marché, sur la manière dont on peut y prendre pied. »
Ce lien entre diplomatie et économie, il va en être question dans les prochains jours, à l’occasion de la « Semaine des ambassadeurs ». Ce mardi en effet, le ministère des Affaires étrangères organise un speed dating (en anglais dans le texte) : une série de rendez-vous express ouverts aux entrepreneurs qui veulent rencontrer les ambassadeurs français en poste dans les pays synonymes de marchés à conquérir.
COP 21
Le nouveau visage de la diplomatie française, c’est aussi l’importance accordée au climat, à quelques mois de la COP 21. Du 30 novembre au 11 décembre prochain, Paris accueillera en effet les représentants de 195 pays pour la 21e Conférence sur le climat. L’objectif étant de parvenir à négocier - sous l’égide de l’ONU - un accord mondial pour freiner le réchauffement climatique de la planète. « La préparation des conférences internationales a toujours fait partie du travail des ambassades, précise Maryse Bossière, en poste à Mexico depuis 2014. Mais la COP 21, c’est un sujet d’une grande ampleur qui suppose pour une ambassade de se mobiliser pour être en contact avec tous les acteurs du pays concernés par le sujet. »
L’ambassadrice française reconnaît que le dossier occupe aujourd’hui une place prépondérante dans le quotidien de son équipe, qui a « multiplié les contacts, depuis deux ans, avec tous ceux qui au Mexique sont concernés par le sujet ». Et ce, dans un pays « extrêmement sensible à la question », selon Maryse Bossière, qui observe au Mexique « une grande biodiversité menacée par le réchauffement climatique, des phénomènes naturels tels que les ouragans, et un manque d’eau dans certaines zones alors que d’autres subissent des inondations. » Ce mercredi, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, sera à Paris pour participer aux côtés du ministre français des Affaires étrangères à une rencontre intitulée « Vers l’alliance de Paris pour le climat ».
« Dérive de la diplomatie française »
Climat et conquête de marchés à l’exportation ; les deux priorités de la diplomatie française en 2015 ont un goût amer pour ceux qui voudraient entendre le président de la République et son ministre des Affaires étrangères parler davantage de démocratie et de droits de l’homme. « On assiste à une dérive de la diplomatie française, explique Patrick Baudouin, président d‘honneur de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), qui critique l’idée selon laquelle « un pays doit d’abord défendre ses intérêts avant de défendre ses valeurs ».
La France vend des avions Rafale au régime répressif d’Abdel Fattah al-Sissi en Egypte. Elle espère très prochainement décrocher des dizaines de milliards d’euros de contrats avec l’Arabie saoudite, et on ne l’entend pas critiquer la situation des droits de l’homme dans ces pays.
« À Cuba, François Hollande n’a pas dit un mot sur la situation des droits de l’homme », ajoute Patrick Baudouin, qui s’étonne que le chef de l’Etat n’ait « même pas cherché à rencontrer des militants qui subissent les foudres du régime cubain ». Pour le président d’honneur de la FIDH, « lorsque Angela Merkel reçoit le président égyptien Sissi, elle ne met pas le drapeau des valeurs dans sa poche et n’hésite pas à dire qu’il y a des atteintes extrêmement graves aux droits de l’homme en Egypte. Et pourtant, l’Allemagne continue de commercer avec l’Egypte. »