L’évacuation des sans-papiers de Saint-Bernard, un symbole vivace

Le 23 août 1996, l’évacuation musclée de 314 sans-papiers réfugiés dans l’église Saint-Bernard, dans le quartier de la Goutte-d’Or à Paris, a marqué l’opinion française et fut le point de départ de luttes sociales que la CGT entend célébrer par plusieurs rassemblements ce week-end, soit 19 ans plus tard. Une manière, aussi, de dénoncer le durcissement des politiques migratoires.

L’image est devenue un symbole. Il y a 19 ans, la police fracasse à coups de hache les portes de l'église Saint-Bernard, dans le quartier de la Goutte-d'Or, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Objectif : déloger, à coups de gaz lacrymogènes, les 314 sans-papiers qui s'y étaient réfugiés. Pour commémorer l’évènement, la Confédération générale du travail (CGT) organise plusieurs marches. A Paris, un cortège doit partir de la gare de l’Est à 15 h pour rejoindre l’église Saint-Bernard, mais aussi passer par les « hauts lieux de la lutte que les réfugiés ont menée dans les derniers mois », parmi lesquels le campement de la station de métro La Chapelle, démantelé début juin.

Une « prise de conscience »

Plus que l’évacuation violente des sans-papiers, ce qu’entend mettre en avant le collectif appelant aux manifestations de commémoration - la CGT, l’Union nationale de sans-papiers (UNSP) et la Coalition internationale des sans-papiers et migrants (CISPM) – est que cet évènement fut le point de départ d'un long combat syndical, qui a abouti à l’obtention de droits supplémentaires pour les sans-papiers et à des régularisations.

L’épisode de l’église Saint-Bernard fut une « prise de conscience », selon Marilyne Poulain, chargée des questions de migrations au sein de l’Union départementale de la CGT-Paris. « Cela a été pour l’opinion la prise de conscience que ces personnes, que l’on considérait comme des clandestins, étaient comme les autres avec des familles ici, une vie ici. Avec des problèmes avec leur employeur, avec leur propriétaire... Ils étaient privés de droits, ils étaient dépourvus de titre de séjour, mais c’était des personnes comme les autres. »

Lorsque, le 23 juin 1996, plus de 300 personnes commencent à s’installer dans l’église Saint-Bernard, la population va « découvrir » le quotidien de ces hommes, femmes et enfants, ces familles à majorité malienne et sénégalaise qui vivent à leurs côtés, mais qui n'ont pas de papiers. Deux mois plus tard, au petit matin, près de 1 500 policiers sont déployés pour évacuer les occupants. Pour nombre de militants, ce fut un électro-choc.

« J’étais à l’extérieur derrière l’église. Brusquement, les flics sont arrivés et ont défoncé la porte à coups de hache - ça, on l’a vu -, avec beaucoup de violence. De la part, par contre, des " Saint-Bernard ", on subissait. On ne va pas se battre avec eux, on va résister le plus possible », se souvient Daniel Frageus, militant CGT. Se défendre, résister... Ce mouvement porteur d'espoir a, en partie, ouvert la voie à d'autres sans-papiers qui se sont mobilisés pour revendiquer leurs droits depuis lors.

Des politiques qui « n’ont cessé de se durcir »

Il fut aussi un moment qui « a changé la politique française », selon les mots du journaliste et écrivain Philippe Boggio, auteur d'un article récent sur Slate.fr. Et 19 ans plus tard, l’appel à manifester est aussi l’occasion pour le collectif syndical et associatif d’appeler à un nouveau sursaut militant face au durcissement des politiques migratoires, en France et en Europe.

Depuis 1996, « qu’elles soient issues de gouvernements de droite ou de gauche, ces politiques n’ont cessé de se durcir envers les migrants en quête de régularisation, bafouant le droit à l’émigration et le respect de la dignité des migrants », dénonce le collectif.

« Bien plus, la gauche au pouvoir en France depuis 2012 a réduit le champ de la régularisation des migrants plus sévèrement que tous les gouvernements précédents », accuse encore le communiqué diffusé sur le site de la CGT.

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