On croyait avoir atteint le fond de la cuve chez Areva, mais le géant français de l’atome est loin d’être au bout de ses déconvenues. L’entreprise vient en effet d’être épinglée dans les colonnes du journal satirique Le Canard enchaîné sur la qualité insuffisante de l’acier utilisée pour les cuves de l’EPR de Flamanville. Plus précisément, l’hebdomadaire affirme qu’Areva connaissait le problème depuis neuf ans alors qu’il ne l’a déclaré à l’Autorité de Sûreté nucléaire (ASN) qu’en 2014. Une affirmation que dément Areva qui soutient avoir transmis dès 2008 aux pouvoirs publics les mesures réalisées en 2007.
Le chantier de l’EPR (centrale nucléaire de troisième génération) de Flamanville qui était au coeur de la stratégie conquérante d’Areva, s’est transformé en cauchemar, additionnant les déboires. Des pertes financières colossales, près de cinq milliards d’euros en 2014, des investissements aussi lourds que malheureux (Uramin), le chantier de l’EPR en Finlande aussi que celui de Flamanville, ont fini par compromettre la survie même d’Areva contrôlée à 87 % par l’Etat français.
Solidité du réacteur compromise
C’est une note de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) à laquelle a eu accès Le Canard enchaîné qui montre qu’Areva connaissait de longue date les défauts de l’acier utilisé pour le couvercle de la cuve de l’EPR et d’autres centrales nucléaires du même type. Des défauts loin d’être cosmétiques puisqu’ils risquaient de compromettre la solidité du cœur même de plusieurs réacteurs, là où est placé le combustible radioactif.
Dès 2006, Areva a mené, de sa propre initiative, des analyses chimiques sur l’acier qui allait servir à fabriquer le couvercle de l’EPR de Flamanville. Deux notes internes datant de 2010, et tenues secrètes jusqu’en 2015, décrivent en effet sur certaines zones du couvercle « une concentration en carbone qui atteint deux fois la limite admise ». Une anomalie qui rend moins solide le fameux couvercle et qui diminue sa capacité à résister à des pressions trop fortes.
« S’agit-il d’un manque de compétence ? De vigilance ? De surveillance ? », s’interroge une responsable de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Pas plus rassurants, les propos de l’Autorité de Sûreté nucléaire qui estime que la découverte d’une telle anomalie aurait dû conduire Areva à faire réaliser, par précaution, une nouvelle coulée d’acier.
La valse des milliards
Au lieu de cela, Areva a persisté et poursuivi son montage en dépit de tout. Aujourd’hui, rien ne dit qu’il ne faille pas tout recommencer. Cela présage des années de travail supplémentaire alors que le chantier de Flamanville cumule déjà plus de cinq ans de retard et un dépassement des coûts de 5,8 milliards d’euros. Le chantier finlandais a encore plus de retard et 4 milliards de pertes… pour le moment. Plus personne aujourd’hui ne se risque à donner de date pour une éventuelle mise en service.
Devant cette accumulation d’échecs, il est hors de question qu’Areva puisse s’en sortir seul. Un plan validé par l’Etat français milite pour que Electricité de France (EDF) devienne actionnaire majoritaire d’Areva NP (construction de réacteurs nucléaires, assemblage de combustibles et services) avec recapitalisation « à la hauteur nécessaire ». Et selon des estimations d’analystes, cette « hauteur », autrement dit, les besoins en liquidités d’Areva NP, se situerait autour de 7 milliards d’euros d’ici à la fin 2017. Un chiffre dont le président d’Areva, Philippe Varin, a reconnu la pertinence.
Un rapport d’information parlementaire publié le 8 juillet 2015, recommande de son côté « de ne pas précipiter une décision au nom d’impératifs financiers de court terme… ». Les rapporteurs Marc Goua (PS) et Hervé Mariton (Les Républicains) insistent d’autant plus sur la prudence quant à un accord définitif sur l’avenir d’Areva NP qu’on ne connaît pas les résultats des essais indispensables après la mise en évidence des défauts notamment sur le couvercle de la cuve de l’EPR de Flamanville.