Depuis 2011, Charles Pasqua s'était retiré de la vie politique. Mais il y a un mois, il était quand même venu au congrès fondateur du parti Les Républicains, aux côtés de Nicolas Sarkozy. Lundi soir, l'ancien président, qui connaissait M. Pasqua depuis son adolescence à Neuilly-sur-Seine, a très vite réagi à l'annonce de sa mort, déclarant : « La France perd l'un de ses plus grands serviteurs. »
C’est en effet une figure du gaullisme qui a disparu lundi. Charles Pasqua s’est éteint à l’hôpital Foch de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine, son fief, dont il a été député, sénateur et président du Conseil départemental. Homme de caractère, à la faconde méridionale, l’accent provençal et jovial, à l’œil malicieux, Charles Pasqua était aussi un homme de convictions, résistant pendant la guerre, dès ses 15 ans, puis cofondateur du SAC, le Service d’action civique, une association controversée.
Charles Pasqua a d’ailleurs souvent suscité la controverse. Ses adversaires politiques lui reprochaient ses positions très fermes et ses méthodes. Notamment lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, une fonction qui a marqué sa carrière politique et a contribué à façonner son image auprès des Français. « Premier flic de France », il a été à ce poste à deux reprises, sous deux cohabitations. Certaines de ses formules resteront célèbres : « Il faut terroriser les terroristes » ; « la démocratie s’arrête où commence l’intérêt de l’Etat ».
Le timbre, l’accent de Charles Pasqua, étaient reconnaissables entre tous. Son franc-parler aussi. Sur l’immigration comme sur le reste.
Charles Pasqua était un souverainiste. C’est ce qui l’a conduit en 1992 à militer contre le traité de Maastricht et à créer en 1999 le RPF, le Rassemblement pour la France. C’est l’époque de la rupture avec Jacques Chirac, dont il avait pourtant été le très proche compagnon de route, l’un des artisans de l'ascension, et qu'il a trahi au profit d'Edouard Balladur en 1995.
Un homme incontournable, un homme de réseaux ; les réseaux africains, les réseaux affairistes. Les dessinateurs l'habillaient souvent dans la presse d'un costume rayé de mafieux. Car des réseaux, Charles Pasqua en avait. En France, il les a utilisés tout au long de sa carrière. C’était la part d’ombre de cet homme politique de premier plan.
Charles Pasqua n'avait pas seulement des réseaux en France. Il a aussi été un artisan de la Françafrique et l’un des piliers de la politique africaine de Jacques Chirac, aux côtés de Jacques Foccart. Et il était un homme rattrapé par les affaires : deux condamnations fermes après une ribambelle de procès. On se souvient notamment de « l'Angolagate », une histoire de ventes d’armes non autorisées à l’Angola au début des années 1990. Pendant son procès, l'ancien ministre n'avait pas ménagé Jacques Chirac.
Hommages à droite et jusqu'au sommet de l'Etat
Figure de la droite pendant plusieurs décennies, il s'était illustré par ses positions souverainistes partagées par Jean-Marie Le Pen, le fondateur du Front national, qui se souvient de lui. « C’était un patriote, un combattant national, un eurosceptique. Nous avions des points de rapprochement, et puis des points de discorde. Je me souviens de mon camarade de la Ve République et j’entretenais avec lui des rapports courtois, qui n’étaient pas des rapports de collaboration mais tout de même de respect. Charles Pasqua a été un adversaire politique mais un adversaire du même camp général auquel j’appartenais moi-même. Par conséquent nous avions l’occasion de nous rencontrer de temps en temps, pas très souvent, et de collaborer aux mêmes axes. »
De son côté, l'ancien maire de Paris, Jean Tiberi, dont il était proche, salue la mémoire d'un homme franc et direct. « C’était un ami personnel et un ami politique. Il était à l’origine des mouvements gaullistes, notamment avec Jaques Chirac. Je crois qu’on peut dire que c’était un des derniers grands gaullistes. Il était jeune résistant, excellent ministre de l’Intérieur, il avait le souci de l’intérêt général et il disait franchement les choses, il n’avait pas un double discours. Je crois qu’il a apporté beaucoup par sa franchise, sa détermination, son courage. Tout jeune, sur le plan personnel de la résistance mais aussi sur le plan politique et il prenait ses responsabilités. Parfois, il y a eu des échecs mais, en définitif, il restait fidèle à ses idées. »
Claude Guéant, qui a lui aussi été ministre de l'Intérieur, met pour sa part l'accent sur le rapport particulier de Charles Pasqua avec l'Afrique. « Il a eu des intuitions fulgurantes. Il était très pénétré de la nécessité de développer les pays d’Afrique, qui étaient si pauvres, et il mettait cette exigence en relation avec la politique d’immigration dont il avait la charge. Je me souviens qu’en tant que président du Conseil général des Hauts-de-Seine, il a été l’un des premiers hommes politiques français à lancer des opérations de coopération décentralisée. C’est-à-dire que des collectivités locales prenaient en charge la construction d’écoles, d’hôpitaux dans des pays en voie de développement. »
Le président François Hollande a également réagi. Dans un communiqué de l'Elysée, mardi, il a salué « la mémoire d'un gaulliste » qui, « dans des conditions difficiles et éprouvantes », « a animé de toute sa personnalité la vie politique ». Et d'adresser « à sa famille et ses proches ses sincères condoléances ».