Parti à Berlin pour voir du foot, Valls se fait tacler de toutes parts

Contrairement à ce qu'annonce l'hebdomadaire Le Canard enchainé, un porte-parole de l'instance du football européen a confirmé que si Manuel Valls était à Berlin samedi soir pour la finale de la Ligue des champions, c'était bien à l'invitation de Michel Platini, le président de l'UEFA. Le but était d'assister au match entre le FC Barcelone et la Juventus Turin et de parler de l'Euro 2016, qui aura lieu en France. En revanche, Matignon a confirmé la présence des deux enfants du Premier ministre. L'opposition monte au créneau.

L'UEFA a volé au secours de Manuel Valls. Qualifiant la polémique de « franco-française », Michel Platini, président de l'UEFA, a encore réaffirmé, ce mercredi 10 juin, que c'est lui qui avait, en octobre dernier, invité Manuel Valls à ce match de football. « Je lui avais dit que si le Barça était en finale, je l'inviterais (...) Dès la qualification acquise pour Barcelone, j'ai tenu parole et je l'ai invité et il m'a dit qu'il viendrait », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Paris. Il a également confirmé avoir rencontré Manuel Valls pour un entretien en tête-à-tête pour évoquer « l'Euro et la situation du football international après la crise de la Fifa ».

Qu'à cela ne tienne, la droite française savoure la séquence. Très attaquée concernant Nicolas Sarkozy, encore épinglé le mois dernier sur l'un de ses déplacements, cette fois pour avoir loué un avion privé entre Paris et Le Havre - un trajet de moins de 200 kilomètres -, l'opposition peine désormais à cacher ses fous rires face caméra. Ce coup-ci, c'est bien Manuel Valls qui est pris dans une polémique sur le mélange des genres entre argent public et vie privée.

Mardi 9 juin, tout l'après-midi à l'Assemblée nationale, les sourires goguenards ont été de mise dans les rangs du parti Les Républicains, face à une polémique qui touche le « chouchou » des sondages, fan du FC Barcelone et peut-être un peu trop. L'affaire atteint un Premier ministre censé ne pas aimer l'avion, mais surtout censé être un « pro » de la communication. Il s'agit bien de l'ancien directeur de campagne d'un candidat Hollande parlant de « République exemplaire » qui est épinglé là.

« Ses enfants, Valls ne les voit pas beaucoup »

Le député Les Républicains Claude Goasguen ne se fait pas prier pour commenter l'affaire. « Quand on donne des leçons de vertu, on fait attention à ne pas mettre les doigts dans le pot de confiture. Ça invite quand même à un peu de modestie, oui. Ce serait bien », tance-t-il.

Et de faire durer le plaisir en regardant le député socialiste Patrick Mennucci se débattre face aux questions de la presse : « Mais je ne vois pas ce qu'il y a de choquant ! Ses enfants, il les amène parce qu'il ne les voit pas beaucoup. Ça n'a pas coûté un franc de plus à la République. Nous sommes la République exemplaire, il n'y a pas de problème », considère M. Mennucci.

Pas tous d'accord quand même, les députés de l'opposition, concernant la réponse à donner à « l'affaire ». Quand un élu va jusqu'à poser cette question : « Manuel Valls peut-il encore rester à Matignon ? », l'ancien ministre Thierry Mariani se contente de demander le remboursement à l’Etat du trajet du Premier ministre et de ses enfants. Avant d'ajouter hors micro : « Tout ça, au fond, ça ne sert qu'à faire monter le Front national. »

« Voyez avec lui comment il justifie son déplacement »

Comme souvent quand il est attaqué, Manuel Valls « le clivant » n'a pas beaucoup d'amis dans sa famille politique pour le défendre. Ou alors, du bout des lèvres, à l'instar du porte-parole des députés PS Olivier Faure, assailli de questions ce mardi.

« Je comprends que cela suscite de l'émoi. Mais posez-lui des questions, voyez avec lui comment il justifie son déplacement ou pas. Moi, franchement, si vous me posez des questions sur mes déplacements, je vous répondrai volontiers. Mais là, vous me posez des questions sur les déplacements de quelqu'un que je connais, mais dont je ne réponds pas », botte-t-il en touche.

En parler au Premier ministre directement ? Une journaliste a bien essayé. C’était à Poitiers, samedi, dans une conversation informelle. Réponse du chef du gouvernement : « Vous êtes la honte de votre profession. » Le très ambitieux Manuel Valls, l'homme qui n'avait jamais fait d’écart et ne cache pas son rêve d'être un jour président avait sans doute déjà compris que cette polémique pourrait le poursuivre très longtemps.

« Une maladresse » qui compromet une bonne séquence

Selon un conseiller du président Hollande, ce dernier est d'ailleurs lui-même tombé de l'armoire en apprenant l'affaire. Cette histoire d'avion Falcon a sidéré le chef de l'Etat. Officiellement, à l'Elysée, on défend le Premier ministre politiquement. Impossible, d'ailleurs, de faire autrement. Mais un autre conseiller souligne quand même : « Ce qu'a fait le Premier ministre, c’est ce qui s'appelle " décrocher ", perdre le sens des réalités. » L'affaire fait mal. « Moi, je n'aurais certainement pas fait ça », lance carrément un ministre important du gouvernement de M. Valls.

Agacés ou inquiets les socialistes ? L'un d'eux soulignait mardi : « Les fautes de comportement sont souvent plus chères à payer que les fautes sur le plan économique. » Bien conscient de cela, le président du groupe Les Républicains à l'Assemblée nationale enfonce le clou sur notre antenne.  « Ce qui est gênant, c'est de ne pas avoir assumé clairement et simplement les choses. Essayer de masquer les choses en inventant une réunion, tout cela fait un imbroglio qui n'est pas glorieux », confie Christian Jacob.

Ce mercredi, la presse française s'en donne à cœur joie. « Comment une simple maladresse peut compromettre une bonne séquence politique, constate le quotidien économique Les Echos. L’escapade footballistique de Manuel Valls est en train de devenir un cas d’école. Le discours du Premier ministre à Poitiers samedi a, contre toutes attentes, été longuement applaudi au congrès socialiste ; ce mardi, ses propositions en faveur des PME ont plutôt été bien accueillies par ces dernières. Et pourtant, que risque-t-on de retenir de Poitiers et de Paris ? Le faux pas de Berlin. »

Manuel Valls fait ce mercredi la Une de la revue de presse française

Partager :