C’est aujourd’hui l’élection des présidents des conseils départementaux, la dernière étape des départementales. La tension de la bataille électorale est déjà retombée et on en sait un peu plus sur le vote des Français et ses conséquences sur le paysage politique. La droite devrait remporter au moins 65 présidences. A gauche, c'est la débâcle, la gifle, la bérézina. Cette 4e défaite, c’est aussi pour le parti socialiste la fin d’une certaine époque, celle du socialisme territorial. Le PS a perdu la moitié de ces départements. Il ne lui en reste que 30 sur 101.
Le PS perd ses forces vives
Cette défaite accélère un processus commencé lors des municipales de mars 2014 : le parti socialiste avait perdu 162 villes de plus de 9 000 habitants, un record historique. Comme l’explique Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université Lille-II, perdre les élections, c’est pour le PS perdre ses forces vives : « Le PS, surtout depuis les années 2000 où il était dans l’opposition et où il a gagné tous les scrutins intermédiaires, est devenu un parti de professionnels de la politique avec les élus, et de semi-professionnels (les collaborateurs les assistants mais aussi les cadres territoriaux). Quand le parti perd ses collectivités, tous ses cadres quittent le parti, ne peuvent plus l animer, et comme par ailleurs le PS n’a plus vraiment de liens avec les syndicats et le monde associatif, n’est pas très représentatif de la société, et qu’il n a pas beaucoup d’autres sources de financements que les élus, c’est finalement tout un parti qui se décompose ».
Parité intégrale
Dans ce scénario noir pour le parti à la rose, d’autres voient quand même un point positif. La décision de la gauche au pouvoir de former des binômes hommes-femmes, qui se sont présentés devant les électeurs, est une première. Depuis dimanche on a donc un paysage d élus locaux profondément renouvelés. Grand enthousiasme du député socialiste Sébastien Denaja : « Dimanche dernier les socialistes ont remporté une grande victoire parce que c’est à eux et à eux seuls qu’on doit la parité intégrale dans l’ensemble des conseils départementaux. Je pense que beaucoup ne suspectent pas le profond renouvellement que ça va insuffler dans ces assemblées qui étaient très masculines avec à peine 12% de femmes jusque là. Ca aura des conséquences de fonds sur l’avenir. On a là le futur vivier des candidates aux législatives. A l’horizon de 5 à 10 ans, je garantis une assemblée nationale féminisée à 50% ».
Plafond de verre pour le FN
De son côté le Front national a vu sa progression ralentie on s’attendait au vu des enquêtes d’opinion à un raz de marée «bleu marine» et finalement, arrivé en tête au premier tour dans 326 cantons, le FN emporte au final 62 conseillers frontistes sur un peu plus de 4 000 élus au total soit 1,6%. Et aucun département. Certains politologues ont donc parlé de « plafond de verre » pour le Front national. Logique selon le député UMP Claude Goasguen : « Ils n’ont pas de programme comment voulez-vous qu’ils soient crédibles ! et puis ils sont en réalité "contre" les autres. Il y a 25% de Français qui sont pour le Front national et 75% des autres qui sont contre. Ils n’y arrivent pas et c’est normal parce qu’ils ne font aucune concession et surtout ils sont d’une violence inouïe à l’égard des autres ».
Le tripartisme s'installe
D’autres préfèrent le souligner : le FN avance. Déjà 10 mairies, deux sénateurs, deux députés et des départementales qui sont loin, très loin d’être une contre-performance, comme l’explique le député UMP Philippe Gosselin : « Quand vous êtes capables de trouver 150 à 250 candidats sur l’ensemble des départements dans quasiment tous les cantons, avec pour la première fois des candidats originaires des départements, il y a bien un maillage territorial qui se fait. Ce que le Front national a pu semer en termes d’organisation va se retrouver au moment des régionales. Je pense que oui, il y a des risques forts de se retrouver avec une progression, encore ». « L’homme politique est un animal territorial », la phrase est de Marine Le Pen pendant cette campagne. Toute la classe politique l’a en tête. Bien plus qu’une étape, un simple scrutin intermédiaire, ces départementales ont marqué un profond bouleversement du paysage politique : l'installation du tripartisme.