Claude Guéant une nouvelle fois rattrapé par la justice

L'ex-ministre Claude Guéant, mis en examen samedi dans l'affaire des tableaux flamands qu'il dit avoir vendus à un avocat malaisien pour expliquer un virement de 500 000 euros, a dénoncé lundi une «instrumentalisation de l'action judiciaire» et affirmé avoir «bien l'intention de se défendre».

Les magistrats instructeurs du pôle financier s'interrogent sur la provenance d'un virement de 500 000 euros sur le compte de Claude Guéant. Virement découvert en 2013, lors d'une perquisition au domicile de l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy.

Claude Guéant, successivement directeur de cabinet, puis secrétaire générale de l'Elysée, et enfin ministre de l'Intérieur, fidèle parmi les fidèles de l'ancien président, a toujours soutenu que cette somme était le résultat de la vente de deux tableaux qu'il avait acquis il y a une vingtaine d'années.

Des tableaux signés Andries Van Eertvelt, un peintre flamand du 17e siècle. Peintre dont les toiles, dans les salles des ventes, n'excèdent pas quelques dizaines de milliers d'euros.

Claude Guéant, en pulvérisant la côte de ce peintre flamand tombé dans l'oubli, a donc réalisé une très bonne affaire. Sauf que le cardinal comme on le surnommait à l'Elysée, s'est toujours montré très discret sur l'acheteur, un mystérieux avocat malaisien, a-t-il indiqué jusqu'alors. Un avocat dont on a même jamais retrouvé la trace, tout comme les tableaux d’ailleurs.

Les enquêteurs se demandent donc si cet avocat malaisien ne serait pas une simple boîte aux lettres dans cette transaction, et si cette vente de tableaux ne cache pas des mouvements de fonds suspects. Car ce chiffre de 500 000 euros pour ces tableaux apparait totalement fantaisiste au regard des prix du marché.

Soupçons d’un financement possiblement d'origine libyenne

L'enquête qui vaut sa mise en examen à Claude Guéant est née d'accusations de dignitaires kadhafistes qui ont affirmé dès 2011, sans apporter la preuve, que Nicolas Sarkozy avait bénéficié d'un financement de la Libye de Kadhafi pour sa campagne présidentielle de 2007.

Ouverte en avril 2013 notamment pour corruption active et passive, l'enquête a été confiée aux juges Tournaires et Grouman du pôle financier. Les 500 000 euros proviendraient-ils de ce financement, s'interrogent les magistrats. Ou proviendraient-ils d'une rétrocommission versée en marge d'un contrat d'armement ? Le contrat touchant à la vente de frégates à l'Arabie Saoudite par exemple.

Car dans ce dossier apparait un homme d'affaires saoudien, Khalid Ali Bugshan, lui même mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. Interdit de quitter le territoire français, Khalid Ali Bugshan est soupçonné d'avoir joué un rôle dans les flux financiers qui ont abouti au versement de ces fameux 500 000 euros sur le compte de Claude Guéant. Piste syrienne ou saoudienne, les magistrats n'ont pour l'instant aucune preuve formelle, ce ne sont que des hypothèses de travail.

Un dossier qui se dégonfle

Malgré cette mise en examen, la défense est plutôt rassurée, car aux yeux de Philippe Bouchez el-Ghozi, l'avocat de Claude Guéant, ce « dossier présenté comme faramineux, se dégonfle tout à fait » et l'avocat de poursuivre : « pendant cette garde à vue on a posé à Claude Guéant 300 questions sur ce financement libyen de la campagne présidentielle, mais en lieu et place de faits de corruption liés à ces soupçons, on a un dossier qui se réduit à justifier l'acquisition de tableaux et de leur déclaration fiscale ».

Néanmoins, l'ancien premier flic de France est soumis à un contrôle judiciaire lui interdisant de se rendre en Malaisie et d'entrer en contact avec certaines personnes liées au dossier d'instruction.

Reste une image écornée, car après l'affaire des primes en liquide lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, puis l'affaire Tapie, depuis 2013 c'est donc la troisième fois que Claude Guéant est placé en garde à vue. C'est beaucoup pour l'ancien homme fort de l'Elysée qui apparait aujourd'hui bien isolé.

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