Certains lieux sont hautement stratégiques ou fortement symboliques. C’est le cas de l’ambassade des Etats-Unis en plein cœur de Paris, de la Tour Eiffel, principale attraction touristique de la capitale française, ou de l’Hôtel des Invalides. D’autres semblent plus anodins comme les portes de Saint-Cloud (ouest) ou de Clignancourt (nord). Mais ces deux survols de Paris mobilisent les autorités françaises.
L'autorité judiciaire tout d'abord. Voler au-dessus de Paris est illégal et le parquet a ouvert dès mardi une enquête de flagrance pour « survol d'une zone interdite ». La gendarmerie est chargée de déterminer le nombre de drones qui ont ainsi survolé certains lieux de Paris et d'identifier le ou les pilotes de ces engins télécommandés. La section de recherches en charge des transports aériens est chargée de l'enquête concernant les survols des deux nuits. L'autorité politique ensuite. Le gouvernement se veut à la fois rassurant, mais conscient. Il n'y a pas « d'inquiétude à avoir » a dit son porte-parole, Stéphane Le Foll, à l'issue du conseil des ministres ce mercredi. Mais il affirme que l'affaire est prise « très au sérieux ».
Crash à la Maison-Blanche
Ce ne sont pourtant pas les premiers survols de drones. Depuis plusieurs mois, ces appareils survolent de temps en temps des zones interdites : des centrales nucléaires, le site militaire nucléaire de l'Ile Longue près de Brest dans l'Ouest du pays ou encore le palais présidentiel de l'Elysée.
Le même phénomène a également été observé dans d'autres pays. Il y a près d'un an et demi, un aéronef s'était posé à quelques mètres de la chancelière allemande, Angela Merkel. Plus récemment, il y a un peu moins d'un mois, un drone s'est écrasé dans les jardins de la Maison-Blanche à Washington. Enfin, à Genève en septembre dernier, un engin s'est écrasé dans une avenue, évitant de peu une voiture.
Pour l'instant, aucun de ces survols n'a été considéré comme le fait d'une possible organisation terroriste. Difficile aussi d'y voir un acte d'espionnage. Les appareils qui sont passés au-dessus de Paris ces deux dernières nuits volaient haut : entre 100 et 300 mètres d'altitude. Or Internet offre déjà des images satellites très précises de Paris.
Dans le cas de la France, les cibles concernées jusqu'à présent - centrales ou sites militaires nucléaires - faisaient plutôt penser à une organisation écologiste voulant démontrer les failles dans les systèmes de sécurité de ces lieux hautement sensibles. Les survols de ces deux dernières nuits étant relativement simultanés, les regards se tournent là aussi vers une organisation structurée capable de planifier ce genre d’opérations. Mais cela pourrait être aussi le fait de militants qui veulent souligner la vulnérabilité de certains sites plutôt que de personnes véritablement malveillantes.
Un drone mangeur de drone ?
Ce qui alimente les inquiétudes en revanche, c’est que les drones peuvent être aménagés. En Amérique latine, ces appareils ont été utilisés pour transporter de la drogue au-dessus d’une frontière : il est possible de la remplacer par des explosifs. L’appareil pourrait aussi tout simplement avoir un accident : s’écraser sur un bâtiment ou une voiture.
Or, aux vues des risques pour la population, abattre un appareil qui vole au-dessus d'une zone d'habitation est difficilement envisageable. Aujourd'hui, faire la chasse au drone à Paris, c'est donc surtout faire la chasse aux pilotes. Mais l’exercice est difficile. Depuis mardi soir, les appareils ont été rapidement repérés : avec le plan Vigipirate élevé au niveau alerte attentat, les forces de l'ordre sont nombreuses dans les rues de Paris, de jour comme de nuit. Ça n'a pas permis pour autant de retrouver les personnes derrière ces vols de drones : ces engins peuvent être pilotés à 1 ou 2 kilomètres de distance et leur parcours peut même être programmé.
La principale question semble donc être comment intercepter ces drones en vol ? Il revient au pouvoir politique de mettre en place une réglementation. Mais il faut d’abord trouver la réponse technique à ce nouveau défi. Plusieurs pistes sont à l'étude : un laser qui ferait fondre l'électronique du drone, un outil qui permettrait de reprendre la main sur les commandes de l'appareil ou encore un drone mangeur de drone. Mais c'est là une réflexion qui ne fait que commencer.