Il avait fini par demander à son tour la démission de Thierry Lepaon placé dans une situation intenable après les révélations sur son train de vie. Philippe Martinez, numéro un de la fédération de la métallurgie, choisi par Thierry Lepaon pour lui succéder, n’a de cesse depuis d’insister sur l’urgence qu’il y a pour la CGT à tourner la page. Censée contribuer à apaiser la première organisation syndicale française, cette succession à double fond est cependant une garantie fragile contre le droit d’inventaire que ne manqueront d’exiger les opposants.
Il se résout à demander la tête de Lepaon
Philippe Martinez, silhouette solide, la moustache bien gauloise, est un ancien de chez Renault Boulogne-Billancourt. Il dirige la fédération de la métallurgie depuis 2008, un secteur qui pèse 60 000 adhérents, le troisième de la centrale. A 53 ans, l’homme est discret, un rien bourru, pas vraiment à l’aise avec les médias. Jusqu’à ce qu’il monte en première ligne ces dernières semaines suite à la disgrâce de Thierry Lepaon, ses photos publiques étaient une rareté, il se tenait en effet à l’écart des caméras, en homme de terrain. Rien de « bling-bling » chez cet homme-là, assurent ses collègues.
En un mot, il ne « la ramène pas » et il trace son sillon en bosseur qui sait où il va, dit-on de lui le plus souvent. En somme, il est à l’opposé de Thierry Lepaon dont les incartades sonnantes et trébuchantes ont indisposé bien des militants. Mais cela n’empêche pas Philippe Martinez d’être un proche de Lepaon qu’il a soutenu jusqu’à la dernière minute avant de revenir sur sa position et de se rallier à ceux qui voulaient sa tête.
Avec cette nuance qu’il s’est abstenu d’accabler Thierry Lepaon, choisissant de mettre en avant la responsabilité collective. « On s’est trop éloignés de la démarche syndicale, il y a besoin de rectifier écrit-il tout en soulignant la nécessité de rigueur dans l’utilisation des moyens du syndicat, notamment à la confédération où « il n’y a aucune règle de vie ».
La ligne « Boulogne-Billancourt »
Philippe Martinez appartient à ce qu’on appelle à la CGT, la ligne « Boulogne-Billancourt », c’est-à-dire une ligne très proche de celle du Parti communiste. Membre du parti ou non, la question se pose en toute logique, mais le patron de la fédération de la métallurgie n’est pas du genre à s’épancher sur ses appartenances politiques.
Syndicaliste il est, et syndicaliste il reste. Ses positions sont tranchées quitte à susciter l’incompréhension comme en 2012 quand la CGT, seule, refuse de signer l’accord sur le plan social après l’annonce par PSA de la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois. Quatre mois de grève ne parviendront pas à changer la donne.
Au moment de la tumultueuse succession de Bernard Thibault en 2013, le nom de Philippe Martinez avait déjà été évoqué. Cette fois, son heure a sonné. Son intervention lors du Congrès de la fédération des travailleurs de la métallurgie en juin dernier le laisse entendre : « Le problème ne vient pas des salariés des autres pays, ni des salariés étrangers qui travaillent à côté de nous tous les jours, disait-il. Le problème, c’est le patronat qui exploite cette misère pour mieux rabaisser nos acquis sociaux. Notre responsabilité : ne pas laisser passer les idées du Front national ».
Il est temps maintenant de reprendre à bras le corps les dossiers qui attendent la CGT. Installé dans le bureau de son prédécesseur dès avant sa désignation, Philippe Martinez ne peut pas compter sur un sas et encore moins sur un état de grâce avant de se jeter dans la bagarre. L’opposition à la loi Macron étant l’occasion de montrer rapidement que la vieille centrale de 120 ans est plus que jamais offensive. On l’attend aussi en interne pour pacifier et relancer la CGT en définissant une orientation et une stratégie syndicales qui redonnent confiance à la base. Des deux fronts, on ne saurait dire lequel est le plus périlleux.