Avec notre envoyée spéciale à Albi, Alice Pozycki
Les dernières analyses révèlent des traces d'un explosif, le TNT, sur les vêtements du jeune homme. Le procureur a affirmé mardi après-midi que « l'utilisation d'un explosif militaire semble acquise au dossier ». Le TNT figure en effet dans les charges de certaines grenades dites offensives utilisées par les gendarmes. Ce sont donc les forces de l'ordre qui seraient à l'origine du tir. Manuel Valls a affirmé mardi après-midi qu’il « n’acceptera pas la mise en cause » de son ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve ni des forces de l’ordre.
On sait aussi que le soir des affrontements, vers 2 heures du matin, le tir d'une grenade puissante a été ordonné. A cet instant, Rémi Fraisse se trouve sur les lieux, il est touché au dos et meurt sur le coup. Pour autant, des zones d'ombres demeurent. Pour l'heure, le sac à dos de la jeune victime n'a pas été analysé. Il est entre les mains de sa famille. Contenait-il des substances explosives de type cocktails Molotov ou autres qui auraient embrasé l'explosion ? L'entourage du jeune homme, qui le décrit comme un non-violent, ne croit absolument pas à cette supposition.
L'avocat de la famille a déclaré avoir déposé deux plaintes : l'une pour « homicide
volontaire » et l'autre pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de
la donner ». Une déclaration des parents de Rémi appelant « au calme » lors des rassemblements organisés en hommage au jeune homme, « pour ne pas répondre à la violence par la violence », a aussi été diffusée.
Le procureur de son côté a annoncé que désormais le parquet de Toulouse sera compétent pour juger d'actes commis par des militaires dans l'exercice de leur fonction. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, va lui aussi enquêter sur la mort du jeune manifestant.
« Ne répondons pas à la violence par la violence »
A l’annonce des résultats d’analyse mardi, le maire de Gaillac, près du site de Sivens, attendait 200 manifestants. Ces derniers n’ont été qu’une trentaine à se rassembler dans le calme. Parmi eux, Adeline, 32 ans et engagée contre le projet de barrage de Sivens : « On a l’habitude de prendre les grenades, les bombes assourdissantes, les lacrymos… De notre côté, il y a de la musique, des nez de clowns, des gens qui dansent, quelques raquettes pour renvoyer les lacrymos, mais pas grand-chose de plus. »
Pascale, la cinquantaine, présente sur le site du barrage quelques heures avant la mort de Rémi Fraisse, se veut amère : « Je vais dire à mon petit-fils de 14 ans : ‘N’essaie pas de protéger la planète, ne va pas te battre pour tes valeurs, car on va te tuer pour tes valeurs’. »
Alors que 200 gendarmes ont été déployés sur place pour éviter pour éviter des violences semblables à celles des derniers jours, Germain ne reconnaît plus sa ville : « Je n’ai pas l’impression d’être en France. La gendarmerie qui devrait nous servir, nous protéger, elle nous inquiète, et apparemment, elle tue des jeunes. » Les manifestants ont lancé un appel : « Ne répondons pas à la violence par la violence. »
La mort de Rémi Fraisse risque d’accentuer la rupture entre le gouvernement Valls et les écologistes
Un manifestant tué sous un gouvernement de gauche, on a bien senti l'embarras du pouvoir. Il aura fallu 48 heures à François Hollande pour qu’il exprime sa « compassion », et appelle les parents de Rémi Fraisse. Et encore, sous la pression et les coups de butoirs des écologistes.
La politique française se joue une nouvelle fois à front renversé : c’est de sa gauche que le gouvernement Valls essuie les attaques. La droite, qui aurait pourtant un boulevard, préfère apporter son soutien aux gendarmes et à Bernard Cazeneuve. Le ministre de l'Intérieur n'a d'ailleurs pas manqué de dénoncer l'« instrumentalisation » politique d’un drame.
A Europe Ecologie-Les Verts, l’abandon de l’écotaxe n’est pas passé, les députés s’abstiennent de voter le budget, et l’ex-ministre Cécile Duflot acte chaque jour un peu plus sa rupture avec le gouvernement de Manuel Valls. Ce qui ne perturbe pas l’intéressée. « Les écolos, assure un proche du Premier ministre, veulent rouler en vélo en bois sur des chemins de terre. » Ce qui en dit long sur le fossé qui ne cesse de se creuser.