France: le barrage de Sivens, un projet très contesté

Deux experts mandatés par le gouvernement français ont présenté, lundi 27 octobre, leur rapport sur le projet de barrage contesté de Sivens, dans le Tarn. Depuis le début des travaux, en septembre dernier, l’opposition au barrage gagne du terrain. Deux mille personnes ont participé, samedi, à un rassemblement contre le projet qui menace la disparition d'un réservoir de biodiversité de 13 hectares. C'est après cette manifestation qu'un jeune homme a été retrouvé mort sur place.

La construction est soutenue par le Conseil général du Tarn, pour qui ce barrage est indispensable. Ce barrage-réservoir devrait pouvoir stocker plus d'un million de mètres cubes d'eau. 70% du volume d'eau retenue servira à irriguer les terres agricoles, qui représentent 309 hectares. Le reste de l'eau servira à diluer les pollutions. Le coût total du projet est de 8,5 millions d’euros.

La construction du barrage est très contestée. Un rapport d’expert de 62 pages, à la demande de la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal, a été rendu public ce lundi. Et il dénonce plusieurs points. Le premier, c'est que les besoins sont surestimés. Pour les experts, les besoins réels d'irrigation sont en fait beaucoup moins importants que ceux prévus par le projet. Seulement 40 exploitations agricoles en profiteraient. C'est peu, pour un million et demi de litres d'eau, alors que département annonçait le double.

Autre critique de ce rapport : le coût des travaux du barrage-réservoir. Ces derniers ont commencé début septembre. L'investissement coûte cher par rapport au volume d'eau qui peut y être stocké. Et les ingénieurs trouvent le financement de ce projet fragile. Mais malgré tout, d'après le rapport, il est maintenant difficile d'arrêter le chantier. Les travaux ont bien avancé ; le déboisement de la zone est déjà entièrement terminé par exemple. Et des engagements ont été pris avec les agriculteurs. Alors, les experts donnent certaines recommandations. Parmi elles : la mise en place d'un comité de suivi pour que l'ensemble des acteurs locaux participent à ce projet.

L’écologie au cœur de la contestation

Pour les opposants qui se rassemblent régulièrement, le problème est aussi écologique. Car pour construire ce barrage de 230 mètres de large et 13 mètres de haut, la zone humide du Testet  a été détruite. Et dans cette zone de 13 hectares vivaient 94 espèces protégées, parmi lesquelles la lamproie du Planer, un vertébré primitif en forme d'anguille fortement menacé d'extinction. Le Conseil général du Tarn assure qu'il va reconstruire un espace humide. Mais pour les contestataires, ce n’est pas du tout suffisant. Ils dénoncent aussi un projet qui va servir à une poignée d'agriculteurs, ceux qui font une agriculture intensive.

Par ailleurs, ces opposants ont reçu le soutien de plusieurs personnalités politiques. Les eurodéputés Jean-Luc Mélenchon et José Bové se sont rendus à la mobilisation samedi. Et plusieurs anciens ministres de l'Ecologie ont aussi critiqué le projet. C'est le cas de Delphine Batho. Elle a appelé ce lundi à l'arrêt des travaux : « L'agriculture a besoin d'eau, mais c'est un projet absolument absurde pour une minorité », a-t-elle déclaré.

Ce projet de barrage commence à ressembler à un « Notre-Dame des Landes » du sud-ouest français. En Loire-Atlantique, une importante mobilisation avait gelé la construction d'un aéroport. La défense de l'écologie est au cœur des protestations contre ces deux projets, mais les affrontements avec la police sont violents. Samedi 25 octobre, des heurts ont éclaté entre des opposants et les forces de l’ordre, qui ont répliqué avec des gaz lacrymogènes, des flash-balls et des grenades assourdissantes. Plusieurs gendarmes ont été blessés. Et dans la nuit, le corps d'un jeune homme de 21 ans a été retrouvé sur le site. Des expertises sont en cours.

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