C’est un retour parfaitement orchestré : une interview dans Le Journal du Dimanche du 19 octobre, une autre dans la matinale de France Inter le lendemain matin, et un texte, publié en pleine nuit dans le cadre des états généraux du Parti socialiste. L’ancienne patronne du PS Martine Aubry y explique ce qu'elle avait commencé à faire entendre depuis le début de l'été avec ses petites cartes postales estivales : des critiques de la réforme territoriale, de la fin de l'encadrement des loyers et de l'orientation de la politique économique du gouvernement français.
La maire de Lille y est allée crescendo. Et elle joue désormais sa petite mélodie à la grosse caisse. Elle réclame une « réorientation de la politique économique », « une inflexion (...) entre la réduction des déficits et la croissance » et un rééquilibrage de la politique pro-entreprises du gouvernement. Elle reprend presque mot pour mot l'argumentation des frondeurs, la minorité bruyante des députés socialistes qui bataillent à chaque discussion budgétaire. Un discours de gauche, mais pas gauchiste : Martine Aubry, comme François Hollande, assume et se dit « social-démocrate ».
Une voix qui compte à gauche
Martine Aubry a pourtant peu de chance d’être entendue au sommet de l’Etat. François Hollande et Manuel Valls l'ont renvoyée dans les cordes, poliment mais fermement. Le Premier ministre a ironisé sur ses « nerfs solides » : « Nous n’allons pas nous arrêter au milieu du gué ». « Les réformes se poursuivront à un rythme encore accéléré jusqu'à la fin, a redit François Hollande de son côté, parce que la France a besoin de réformes ». C’est donc une fin de non-recevoir « au débat », qu’a reçue la maire de Lille de la part du chef de l’Etat, dont on connaît les relations difficiles avec cette dernière.
Car Martine Aubry n’est pas n'importe qui dans le paysage socialiste français. Ancienne ministre de la « dream team », le gouvernement de Lionel Jospin à la fin des années 1990, la maire de Lille a également été la finaliste de la primaire socialiste face à François Hollande, en 2011. Et aujourd’hui, l’ancienne patronne du PS est une voix qui compte à gauche. Elle est d’ailleurs bien plus populaire que François Hollande lui-même. Selon un sondage Opinion Way publié le lundi 20 octobre par Le Figaro, 86% des Français ne souhaitent pas que le président se représente en 2017. François Hollande est faible et Martine Aubry en profite. Elle est notamment très audible chez les électeurs de gauche, particulièrement ceux, nombreux, qui se sentent un peu orphelins depuis deux ans.
La présidentielle de 2017 en vue ?
Désormais, les frondeurs ont donc un chef, un visage, une incarnation. Mais pour quoi faire ? « Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup », disait Martine Aubry de François Hollande pendant la primaire socialiste. Mais là aussi, cela reste assez flou. Que veut Martine Aubry ? Le sait-elle elle-même ? Officiellement, elle n'est candidate à rien, seulement « candidate au débat », affirme-t-elle. Elle ne se voit « pas en recours » et affirme ne pas vouloir être Premier ministre.
« J'ai tout fait pour que François Hollande réussisse à la présidentielle », a-t-elle déclaré lundi 21 octobre sur France Inter. « Je veux absolument qu'il réussisse », a-t-elle ajouté. Mais s'il échoue ? Martine Aubry et ses amis n'ignorent en rien qu'il y aura bientôt un congrès au Parti socialiste. Et peut-être une primaire pour la prochaine présidentielle, c'est dans les statuts du PS. Si François Hollande renonçait à se représenter, elle se pose d'ores et déjà en alternative face à Manuel Valls.