Remaniement: Manuel Valls commence ses consultations

François Hollande a demandé ce lundi 25 août à Manuel Valls de constituer un nouveau gouvernement « en cohérence avec les orientations qu'il a lui-même définies pour notre pays ». La composition du nouveau gouvernement sera connue mardi et Manuel Valls entame cet après-midi ses consultations. C'est la réponse fracassante de l'Elysée aux attaques d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon sur la politique économique de François Hollande, dimanche 24 août, lors de la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse. Une réponse qui fait l'objet d'un « consensus absolu » a tenu à faire savoir l'Elysée.

François Hollande, avant de partir en Bretagne pour les commémorations de la Libération, a demandé à Manuel Valls de composer une nouvelle équipe « en cohérence avec les orientations qu'il a lui-même définies pour notre pays » selon le communiqué de l'Elysée. Les ministres qui critiquent ouvertement la politique menée n'ont plus leur place au gouvernement : c'est le sens du communiqué. Tombé aux alentours de 9h30, il a fait l'effet d'un coup de tonnerre.

L'ensemble des ministres et secrétaires d'Etat de son gouvernement, et les ténors du parti socialiste sont reçus cet après-midi par Manuel Valls qui leur posera en quelque sorte la question de confiance : es-tu d'accord avec la ligne économique de François Hollande, avec la politique de l'offre, en faveur des entreprises et du désendettement de la France ?

Les frondeurs du PS

Les premiers tiraillements datent de 2012, lors de la mise en place par le gouvernement Ayrault du CICE, le crédit d’impôt compétitivité emploi, une aide de 20 milliards d’euros accordée aux entreprises qui provoque déjà des remous dans la majorité. La contestation va aller grandissant avec pour point d’orgue, l’annonce en janvier dernier de la création du pacte responsabilité, pacte qui, associé au CICE, prévoit 40 milliards d’euros d’aides et de baisses de charges aux entreprises. Là, la pilule ne passe plus chez certains élus socialistes pour qui cette politique est clairement sociale-libérale. Les frondeurs se font alors de plus en plus nombreux. Deux proches de Martine Aubry, Christian Paul et Jean-Marc Germain, animent la contestation. Ils demandent clairement un rééquilibrage de la politique économique.  Fin avril, l’assemblée vote le plan de 50 milliards d’euros d’économies, mais 41 députés socialistes s’abstiennent, signe d’un malaise grandissant. 35 députés feront de même en juin lors du vote sur le budget rectificatif de la sécurité sociale. Dans ce contexte tendu, Arnaud Montebourg lance une première salve au mois de juillet, proposant notamment la mise en place d’une règle des 3 tiers en matière d’économie de dépense publiques. Baisse du déficit, baisse des prélèvements sur les ménages et sur les entreprises : en proposant cela, le ministre de l’Economie remet en cause la stratégie gouvernementale, une prise de distance qu’il a renouvelé ce week-end. Mais cette fois, il est semble-t-il allé trop loin. 

Qui seront les ministres sortants ?

Arnaud Montebourg, évidemment ne sera pas du prochain gouvernement. Il annoncera son départ cet après-midi au ministère de l'Economie. Le cas de Benoît Hamon est tendu ; le ministre de l'Education sortant a annulé sa participation aux cérémonies de la Libération de Paris ce soir. D'autres ministres pourraient partir : on pense notamment à Christiane Taubira, la ministre de la Justice, ou encore à Aurélie Filipetti, ministre de la Culture. A la mi-journée, cette dernière a indiqué qu'elle ne souhaite pas entrer dans le futur gouvernement. Toutes les deux ont cette fin de semaine adressé des messages d'encouragement aux ministres frondeurs.

La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, critique à l'égard des choix économiques du gouvernement, « n'espère pas grand chose de ce nouveau gouvernement » et attend que le président prenne « des initiatives pour rassembler, d’une part l’ensemble des forces qui ont fait sa victoire et d’autre part les Français, autour d’une nouvelle politique qui était celle qu’il avait présenté au Bourget ». L'aile gauche du parti socialiste pourrait être tentée de quitter la majorité pour construire une majorité alternative, avec des écologistes. Mais les écologistes eux mêmes sont divisés, certains étant prêts à rejoindre le nouveau gouvernement Valls.

Les jours qui viennent prommettent d'être agités, alors que la droite réclame tout simplement une dissoution de l'Assemblée nationale à l'image de Eric Ciotti, député UMP, pour qui la majorité socialiste n'est plus majoritaire en raison de son implosion.

La ligne rouge franchie

Dès hier soir, Manuel Valls faisait savoir qu'il était décidé à agir. « La ligne jaune est franchie », expliquait l'entourage du Premier ministre. Ligne rouge, de toute évidence. Manuel Valls, comme François Hollande se devaient de réagir, de mettre un terme à cette fronde. François Hollande ne pouvait tolérer d'être ainsi publiquement mis en cause, lui et ses choix économiques - même si le discours d'Arnaud Montebourg lui a longtemps été utile, pendant la campagne présidentielle, auprès des ouvriers notamment, et même après, en faveur d'une nouvelle politique économique en Europe.

Et Manuel Valls, dont la relation avec Arnaud Montebourg s'est tendue ces derniers jours, ne pouvait voir son autorité ainsi mise en cause, au risque de connaître le destin d'un Jean-Marc Ayrault totalement démonétisé à force d'être vivement critiqué par ses ministres.

Le premier gouvernement Valls n'aura même pas tenu cinq mois. Mais c'est le prix à payer, ce geste d'autorité, pour tenter de mettre un terme à la fronde. Une fronde d'une trentaine de députés au Parlement est gênante mais gérable tant que le gouvernement a une majorité pour faire passer ses textes. Une fronde à l'intérieur même du gouvernement, à ce point orchestrée, mise en scène et médiatisée tout le week-end, ce n'était tout simplement pas tenable.

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