Réforme pénale: les polémiques sur le texte de Christiane Taubira

L'Assemblée nationale entame l'examen de la réforme pénale. Le texte de Christiane Taubira prévoit notamment la création de la peine de probation, alternative à la détention pour lutter contre la récidive. La droite dénonce un texte laxiste, mais une partie de la gauche reproche à la ministre de la Justice d'avoir mis deux ans pour rédiger un texte assez tiède.

Apôtres des peines en milieu ouvert d'un côté contre partisans du tout carcéral de l’autre. Christiane Taubira devrait à n'en pas douter déchaîner à nouveau les passions dans l'hémicycle. Car, comme promis en 2012, par le candidat François Hollande, le projet de loi prévoit de supprimer les peines planchers pour les récidivistes, une mesure emblématique des années Sarkozy. L'objectif est de revenir au principe d'individualisation de la peine. Fini l'automatisme, l'accent est désormais mis sur l'éducation plutôt que la sanction.

Vers une diminution des sorties sèches

La garde des Sceaux veut ainsi bannir les sorties sèches de prison. Une rupture idéologique. Christiane Taubira sait que cela risque de déclencher un certain émoi dans les rangs de l'opposition, qui l'accuse déjà de vouloir vider les prisons. « Nous savons que la prison, notamment lorsqu’elle est accompagnée de sorties sèches, c'est-à-dire lorsque la sortie de prison ne fait l’objet d’aucune préparation, aggrave et augmente les facteurs de récidive », souligne la garde des Sceaux. Et, s’adressant à l’opposition, elle ajoute qu’« il ne sert à rien de se mettre la tête sous le sable. Il y a un certain cynisme d’ailleurs à utiliser ces situations, et lorsque j’évoque le cynisme je dis très clairement que celles et ceux qui jouent à cela depuis plusieurs années ne sont pas exposés à cette récidive. Donc nous, nous affrontons les faits, les réalités, et nous voulons que la peine soit efficace. Et pour qu’elle soit efficace, il faut qu’elle ait un sens pour la société, il faut qu’elle en ait pour l’auteur des actes, il faut qu’elle en ait pour la victime. »

Une nouvelle sanction : la contrainte pénale

Pour les délits dont les peines encourues n'excèdent pas cinq ans, il est prévu de créer une nouvelle sanction en milieu ouvert : la contrainte pénale, jugée plus efficace pour combattre la récidive. Mais ce texte qui, à l'origine, ambitionnait de repenser le sens de la peine en privilégiant la réinsertion a perdu un peu de sa portée lors des arbitrages. Au final, les juges pourront toujours incarcérer le condamné qui ne respecterait pas ses obligations. Du coup, la différence avec les peines de « sursis mises à l'épreuve » qui existent depuis longtemps, est ténue.

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Mais Christiane Taubira veut rassurer une partie de la gauche sceptique. Il ne s'agit pas d'une mesurette assure-t-elle. « Je connais les insatisfactions. Je pense que le texte de loi que nous présentons est un texte qui va vraiment contribuer à donner du sens à la peine. Je suis sûr que nous aurons contribué à faire en sorte que cette haute mission régalienne, qui est de juger, sera rendue un peu plus apaisante pour les magistrats. Mais surtout cette réforme permettra de prononcer des peines plus adaptées donc plus efficaces. »

Le « JAP » en première ligne

La contrainte pénale ne remplace aucune peine, toutes les autres restant en vigueur. Un magistrat est désigné pour mettre en œuvre cette contrainte pénale : c'est le juge d'application des peines. Ces magistrats, ainsi que les conseillers d'insertion et de probation, seront effectivement en première ligne. Ils pourront moduler dans un sens plus ou moins sévère des sanctions du type du travail d'intérêt général, voir même révoquer la mesure.

Reste l'épineuse question des moyens humains, martèle Christophe Régnard, de l'Union syndicale des magistrats. « C’est tout le problème de cette réforme, tel qu’elle peut être votée. C’est effectivement une réforme qui va dans le bon sens. Après, pour qu’elle soit efficace, il faudra des moyens. A chaque réforme pénale, on nous annonce des créations massives de conseillers d’insertion pénitentiaire ou de juges d’application des peines. Et dans les faits rien n’arrive. Je suis très inquiet, car il y a actuellement 500 postes de magistrats qui sont vacants et qu’aucun recrutement supplémentaire n’est prévu. Donc, c’est probablement une réforme qui va se mettre en place à moyens constants et ça, c’est la certitude que ce sera l’échec à terme. » Selon les estimations de la Chancellerie, près de 20 000 contraintes pénales pourraient être prononcées annuellement. Il y a chaque année près de 600 000 condamnations en France.

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