Ouverture du procès de Rafik Khalifa, flambeur algérien ami des stars

Le procès qui s’ouvre ce lundi à Nanterre, près de Paris, pour juger Rafik Khalifa se tient en l’absence de ce dernier. L’ex-homme d’affaires poursuivi pour banqueroute et détournements de fonds est en effet détenu en Algérie. L’ancien ami des stars - Depardieu, Deneuve, Sting, Bono - avait bâti entre 1995 et 2002 un empire qui pesait quelques milliards de dollars.

Fils de ministre, son père Laroussi Khalifa avait créé en Algérie la redoutable Sécurité militaire, Abelmoumène Rafik Khalifa de son nom complet, aurait pu se contenter de prospérer tranquillement en exerçant la profession de pharmacien. Mais le jeune homme, né en 1966, a le sens des affaires. Il le montre dès le début des années 1990 en important de Chine des vitamines et de l’aspirine, à très bas prix, qu’il conditionne dans son officine pour les revendre avec un confortable bénéfice. 

De la villa à la banque

Mais les murs de sa pharmacie de Chéraga sont beaucoup trop étroits pour ses ambitions. Dans un pays où trouver à se loger relève de l’exploit au milieu des années 1990, Rafik Khalifa se lance dans la construction avec comme mise de fonds le produit de la vente d’une villa héritée de son père. Soit la villa était pharaonique, soit la Banque du développement local (BDL) était particulièrement généreuse avec les jeunes entrepreneurs. Toujours est-il qu’il décroche un crédit tel qu’il lui permettra de constituer en 1999 le capital d’une nouvelle banque privée, sa rampe de lancement dans les affaires.

C’est à une vitesse fulgurante qu’il construit ce qu’il se complaît à décrire comme le « premier empire privé d’Algérie ». Il veut ce qui se fait de plus grand, de plus beau et de plus cher. Khalifa Airways d’abord en 1999, dotée de 30 appareils et qui se place d’emblée en concurrente d’Air Algérie (dirigée par son père dans les années 1960). Rafik Khalifa mise beaucoup sur la visibilité et parvient en deux temps trois mouvements à devenir le commanditaire prodigue de l’Olympique de Marseille.

Ce qui deviendra rapidement le groupe Khalifa s’étoffe d’une agence de location de véhicules de luxe avant la création à Paris, en 2002, de Khalifa TV. Le lancement de la chaîne KTV donne lieu à une fête d’anthologie sur la Côte d’Azur, dans une propriété cannoise face à la mer. Plusieurs centaines d’invités VIP déambulent dans le parc de la villa Bagatelle qui compte trois bâtiments et quatre piscines. Pour se l’offrir, Rafik Khalifa a payé 35 millions d’euros, un détail pour celui qui a crédit ouvert dans sa propre banque, mais dont les trous de la trésorerie commencent à être difficiles à dissimuler.

 
500 millions d’euros de pertes annuelles

Pourtant, l’argent semblait inépuisable tant Khalifa Bank attirait de clients avec ses taux d’intérêt de 8 à 15% alors que les autres ne servaient que du 3 à 10%. Tout ce qu’Alger compte de nantis se précipite, comme de nombreuses entreprises publiques et de plus modestes épargnants alléchés par les bénéfices promis. A ce moment-là, Khalifa représente la revanche d’un pays émergeant d’une décennie de guerre civile.

Au sommet de son ascension, le groupe Khalifa affiche 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, 20 000 salariés en Algérie et en Europe et… 500 millions d’euros de pertes annuelles, selon une note confidentielle des autorités françaises de l’époque. De son côté, la DGSE - les services de renseignements extérieurs français - s’étonne : « Les financements et passe-droits dont profite Khalifa pour asseoir sa stratégie de croissance, alors même que les avis répétés d'experts du transport aérien lui prédisent une faillite prochaine, laissent perplexes ».

 
Le rutilant château de cartes s’effondre en novembre 2002. Alger bloque les opérations de la banque après avoir découvert des malversations. Trois des proches collaborateurs de Khalifa sont interceptés à l'aéroport d'Alger : ils tentaient de fuir avec 2 millions d'euros en liquide. Recherché par Interpol, Rafik Khalifa part se réfugier à Londres début 2003. Il y sera incarcéré en 2007 avant d’être extradé à Alger fin 2013 où il est détenu depuis. C’est donc sans lui que se tient le procès de Nanterre puisqu’Alger a refusé que Khalifa soit autorisé à comparaître.

Véritables instigateurs

Faute du principal inculpé, les juges français devront se contenter d’entendre les dix autres personnes qui sont poursuivies, dont l'ex-femme de Rafik, pour banqueroute et détournements de fonds dans le dossier du groupe Khalifa. Ils sont accusés d'avoir, au moment de la déconfiture du groupe en 2003, dissimulé un certain nombre d'actifs, notamment trois avions d'une valeur de 5,5 millions d'euros, une douzaine de voitures de luxe et la fameuse villa de Cannes de 35 millions d'euros. 

Une fois ce procès achevé, Rafik Khalifa aura encore à répondre à la justice algérienne où il a été condamné par contumace en 2007 à la réclusion criminelle à perpétuité. Un jugement cassé en 2012 par la Cour suprême. Un nouveau procès devrait avoir lieu dont la date n’est pas fixée. En Algérie, la chute de l’empire Khalifa a causé un préjudice entre 1,5 et 5 milliards de dollars à l’Etat algérien et aux épargnants. Mais il y a peu de risque que les véritables instigateurs et bénéficiaires de cette juteuse escroquerie n'aient jamais à répondre de leurs actes. 

 

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