Le politologue Olivier Rouquan sera l'invité de l'émission « Décryptage » ce jeudi 15 mai, à 17h10 heure de Paris, pour expliquer la réforme territoriale.
Déjà évoquée pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, la question des réformes territoriales est de retour dans le débat public. Si les propositions du Comité Balladur, qui envisageait notamment le passage à 15 régions métropolitaines, n’ont jamais été réalisées, François Hollande semble décidé à relancer ce chantier. Il reçoit ce mercredi les chefs des partis politiques pour entendre leurs propositions sur le sujet.
Le Président de la République poursuit son désir de réforme annoncé lors de sa conférence de presse du 16 janvier, avec la réduction du nombre de régions françaises. Manuel Valls avait à son tour confirmé cette volonté le 8 avril dans son discours de politique générale. Devant l'Assemblée nationale, il avait annoncé la suppression à venir du département en 2021 et la diminution du nombre de régions, prévue pour avant l’automne 2015 selon Les Echos.
Quelles sont les attributions des régions et départements ?
Principaux échelons concernés par la réforme, les régions et les départements ont en théorie des compétences bien distinctes. « Les régions gèrent l’enjeu de la compétitivité, et il est prévu qu’elles gèrent de plus en plus l’internationalisation des PME, des ETI (entreprises de taille intermédiaire), donc l’aide économique aux entreprises », explique Olivier Rouquan, politologue et chercheur au Cersa. Elles sont donc responsables de « la compétitivité, l’attractivité des territoires avec une compétence forte sur le plan stratégique : la planification et l’aménagement du territoire », précise-t-il.
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Les départements s’inscrivent à un échelon inférieur, « plus proche des citoyens, surtout dans les zones rurales » ce qui explique qu’ils soient « bien identifiés » par la population, selon Olivier Rouquan. « C’est un échelon qui gère plus l’action sociale, donc la protection des personnes âgées, la protection des sans-emplois, des personnes défavorisées avec le RSA, la protection des handicapés, avec une allocation qui s’appelle la PCH (prestation de compensation du handicap), et le suivi individuel des personnes. » Malgré ces distinctions, départements et régions ont en pratique des compétences communes.
Une simplification pour éviter les doublons
L’expression « millefeuille territorial » désigne la multiplication des niveaux administratifs, entraînant des doublons de compétences entre les différents échelons. La clause générale de compétence, dont la suppression est annoncée, favorise ces doublons en permettant à une collectivité d'agir lorsqu'elle estime que son intérêt est en jeu. « On peut avoir par exemple entre département et secteur communal des doublons sur la création des crèches, déclare Olivier Rouquan. On peut également avoir ce que l’on appelle des financements croisés, qui sont d’ailleurs favorables au secteur communal. Lorsqu’une commune crée une infrastructure ou un service, elle peut bénéficier à la fois de subventions venant du département et de la région. »
Cette multiplication des contributeurs pour aboutir à un projet rend peu lisible l'action des collectivités territoriales. Il y a donc besoin de rationaliser ces financements, mais également de simplifier les taxes qui permettent de financer ces collectivités, comme le déclare la Cour des Comptes dans un récent rapport. S’attaquer aux doublons entre département et régions n’est toutefois pas suffisant selon Olivier Rouquan, qui rappelle que le secteur communal, absent de la réforme, est lui aussi concerné : « Il y a bien des doublons entre les communes et les intercommunalités, et ces deux niveaux représentent autour de 60 % de la dépense publique locale. »
Des économies discutées
Si le gouvernement annonce des économies annuelles de 12 à 25 milliards d’euros, Olivier Rouquan se montre plus prudent. « Il faut attendre la précision en la matière, parce qu’on sait très bien qu’il y a des effets d’annonce sur les économies attendues, tempère-t-il. On ne peut pas licencier des fonctionnaires, on peut peut-être penser qu’il n’y aura pas de renouvellement des départs en retraite dans une certaine mesure, mais 25 milliards c’est beaucoup. »
Il serait, toujours selon M. Rouquan, difficile d’atteindre un tel chiffre « si on ne compte que sur la politique achat et le regroupement de ces politiques achat. Si l’on compte également sur la baisse sur la baisse des interventions, autrement dit la baisse des financements de l’action sociale, cela serait sans doute très discuté, notamment au parlement, mais cela heurterait aussi la population. »
« Amener la France à l’international »
Plutôt que les possibilités d’économies, Olivier Rouquan souligne comme intérêt de la création de supers régions une meilleure affirmation de leur rôle international : « Elles ont de plus en plus une compétence pour mieux positionner l’économie dans la mondialisation. Elles vont prendre le pilotage de ce qu’on appelle les pôles de compétitivité, elles sont dans la banque publique d’investissement. »
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Pour « amener la France à l’international, elles ont besoin d’être visibles, continuele politologue. Il y a cinq régions qui à l’heure actuelle représentent moins de 5 % du PIB national. Leur visibilité, leur pertinence à agir au niveau international est faible. » Les regroupements et fusions envisagées permettraient donc de favoriser leur activité à l’échelle internationale. « Il faut qu’elles grossissent, et de ce point de vue, la réforme est tout à fait justifiée », conclut Olivier Rouquan