«La Vie d’Adèle» se dispute enfin en salles

Des ébats amoureux et des débats à n'en plus finir. Après le choc charnel au Festival de Cannes, suivi d'une polémique virulente autour des conditions de travail sur le tournage, la Palme d’or 2013 sera enfin visible sur les écrans à partir de ce mercredi 9 octobre. L'histoire raconte le voyage charnelement imagé de deux jeunes femmes dans des eaux profondes. Avec La Vie d’Adèle, Chapitre 1 et 2, le réalisateur franco-tunisien Abdellatif Kechiche a signé une adaptation extraordinaire et ô combien sensuelle de la bande dessinée Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh. Pendant presque trois heures, la jeune Adèle croque la vie en se laissant joyeusement dévorer par son amour pour une femme aux cheveux bleus. Une exploration inégalée du corps et de l’âme d’une jeune fille évoluant vers l’âge adulte. Une très forte expérience cinématographique et universelle.

Elle court, elle court, elle court… après le bus, à l’école, pour ne pas rater ses amies. Adèle, 15 ans, vit chez ses parents à Lille. Elle a de l’énergie à revendre, et des émotions aussi. « Je suis femme, je comprends mon histoire », dit une camarade au lycée, citant une phrase de Marivaux. Le long chemin d’Adèle vers la féminité vient de commencer.

Adèle comme Adèle Exarchopoulos

Le rôle d’Adèle est plus qu'interprété par Adèle Exarchopoulos. Devant la caméra, la jeune comédienne ouvre son corps et sa vie avec un naturel et une beauté irrésistibles. Au début, on ne voit que sa bouche sensuelle, ses lèvres pulpeuses, sa manière de croquer la vie dans toutes les circonstances. Même pendant le sommeil, elle connaît des moments d’orgasme, ses respirations dégagent une incroyable volupté. Sur le terrain de l’amour, elle tente sa chance d’abord avec un joli mec de son école, mais les sensations ne sont pas au rendez-vous.  Après de longues hésitations, celle qui aime la bouffe et la littérature succombe au charme naturel d’une jeune femme aux cheveux bleus, Emma, étudiante aux Beaux-arts, jouée par une Léa Seydoux qui épate par sa fraicheur et son sourire radieux. Quant à Adèle, cette première expérience lesbienne la comble des pieds jusqu’à la tête. Les nuits sont torrides, les journées aussi. Adèle vient d’avoir 18 ans.

Loin du regard habituel


Filmer deux corps qui se désirent, s’attirent, se touchent, s’épousent et s’excitent, Abdellatif Kechiche semble ne faire rien d’autre. Le résultat explose à l'écran.  Là où d’autres se contentent d'une scène de sexe de dix secondes, Kechiche consacre dix à vingt minutes à une seule séquence érotique, et il y en a beaucoup ! L’échange est intense, loin du regard habituel, des sentiments régnent en maître et les mouvements des corps expriment bien plus que les mots. Quand Adèle tâtonne, nous aussi hésitons, la caméra reste collée près du corps des protagonistes. Les visages se donnent corps et âme dans des plans serrés. Il y a les pupilles qui se dilatent, la langue qui se précipite dans le seul but de procurer du plaisir : les soupirs, les gémissements, les respirations jusqu’à l’extase qu'exhalent des corps sublimes. Ingres ? Rubens ? Delacroix ? Ne cherchez pas des comparaisons. Abdellatif Kechiche nous propose une sensualité entre deux corps féminins à nulle autre pareille. Et les plans sulfureux font certainement partie des plus longues scènes de sexe entre deux femmes dans l’histoire du cinéma d’auteur.

Délicat et sincère

A la fin, ce ne sont pas les différences de goût ou d’âge entre Adèle et Emma qui auront raison de leur relation, mais plutôt les exigences de plus en plus différentes de leurs carrières professionnelles, des exigences largement déterminées par le milieu social d’origine des protagonistes. Alors qu'Adèle s’épanouit en tant qu'institutrice des maternelles, Emma réussit à vivre de ses tableaux.

Abdellatif Kechiche consacre le temps nécessaire pour que les sensations et les désirs puissent déployer leurs ailes. En toute fragilité! Les pulsions dominent l'écran, mais le regard reste profondément humain. Une très belle histoire d’amour. Un récit délicat, fin et sincère, mais aujourd'hui profondément remis en question par les propos des deux protagonistes qui ont fustigé un tournage « horrible ». 

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