France: le travail dominical remis en question?

A l’issue d’une réunion ministérielle ce lundi 30 septembre à Matignon, Jean-Marc Ayrault a demandé à l'ancien président de La Poste, Jean-Paul Bailly, de « clarifier le cadre juridique » du travail le dimanche, d’ici la fin novembre. Il s’agit d’arbitrer sur un dossier complexe qui fait polémique.

Plusieurs ministres se sont réunis ce lundi 30 septembre à Matignon pour plancher sur le travail dominical.

La veille, quatorze magasins de bricolage Castorama et Leroy Merlin de l’Ile-de-France ont levé le rideau, bravant l’interdiction d’ouverture dominicale du Tribunal de commerce de Bobigny, et risquant une astreinte de 120 000 euros par magasin et par jour ouvert.

C’est étonnamment un magasin de bricolage qui est à l’origine de cette décision de justice ! Un juge des référés avait été saisi en juillet 2013 par Bricorama, qui s’estimait lésé. L’enseigne, qui prône « l’ouverture ou la fermeture dominicale pour tous », avait dû baisser pavillon alors que les autres magasins de bricolage étaient restés ouverts.

L’obligation de fermer le dimanche a provoqué la colère des dirigeants et des salariés. Des dizaines d’employés on manifesté vendredi 27 septembre devant les préfectures. C’est donc le bras de fer entre les salariés et les enseignes d’un côté et les syndicats de l’autre.

« Yes week-end »

Depuis décembre 2012, quelque 2 500 salariés des enseignes de bricolage Castorama et Leroy Merlin se sont rassemblés sous la bannière du Collectif des bricoleurs du dimanche avec un slogan choc, « Yes week-end », qui rappelle le « Yes we can » de la première campagne présidentielle de Barack Obama.

Le dimanche est un jour faste pour les enseignes qui font entre 20% et 50% de leur chiffre d’affaires. Les employés, embauchés sur la base du volontariat, profitent quant à eux d’une journée payée double : 200 euros au lieu de 100 euros à Castorama. Pour un étudiant qui est à l’université toute la semaine, par exemple, travailler le dimanche est donc très intéressant.

Le volontariat : point de contestation des syndicats

L’intersyndicale Clic-P (CGT, CFDT, CFTC, CGC, FO, et SUD) estime justement que se porter volontaire est « obligatoire » pour décrocher un contrat de travail. Le salarié n’a donc pas de choix réel.

Pour le Clic-P également, seuls les grands groupes peuvent se permettent d’ouvrir le dimanche. Un petit commerçant le peut beaucoup plus difficilement. Il y a donc concurrence déloyale.

D’autre part, le code du travail prévoit un jour de repos dominical pour tout le monde. Un jour de protection des salariés et aussi de cohésion sociale. Il y a des exceptions à cette loi, en cas de stricte nécessité. Les achats relatifs au bricolage n’ont, selon les syndicats, aucun caractère d’urgence.

100 000 emplois en plus le dimanche

Aujourd’hui, plus de trois millions de personnes sont au chômage en France et le gouvernement a promis de favoriser la création d’emplois.

Même s’il est difficile de chiffrer le nombre exact d’emplois qui pourraient être créés grâce au travail dominical, on constate qu’aux Etats-Unis, par exemple, l’emploi a augmenté de 2% à 6% à la suite de l’ouverture des magasins le dimanche.

En France, où 1,7 millions de personnes travaillent dans le commerce de détail, une telle hausse pourrait générer entre 30 000 et 100 000 emplois.

L’extension des horaires d’ouverture permet, en effet, aux gens de consommer davantage, donc de dépenser plus. Ce qui permettrait de générer de la croissance et donc des emplois.

Stéphane Carcillo, professeur à Sciences Po, montre que « nombre de foyers, de cadres notamment, sont contraints par les horaires d’ouverture et non pas par les problèmes d’achat ». Ils dépenseraient plus si les magasins étaient ouverts le dimanche. Même les ménages plus modestes peuvent puiser dans leur épargne pour consommer ce jour-là.

La question est donc difficile à trancher. Et le gouvernement en a bien conscience. Même si le principe du repos dominical n’est pas remis en question, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a confié une délicate mission à l'ancien président de La Poste : Jean-Paul Bailly devra apporter, d’ici la fin novembre, des éclairages sur les enjeux de l'ouverture de certains commerces le dimanche et faire des propositions au gouvernement. Affaire à suivre.

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