Si Notre-Dame envoûte par sa beauté mystique, si Versailles fascine par sa splendeur démesurée et si le Louvre éblouit par la richesse de son héritage, aucun de ces trois monuments - les trois plus visités de France avec la tour Eiffel - n’égale le château de Vincennes en profondeur historique. Mais alors que Notre Dame, Versailles et le Louvre voient défiler chaque année des millions de touristes accourus du monde entier, le château de Vincennes n’a guère accueilli qu’un peu plus de 135 000 visiteurs payants en 2012, dix fois moins que la Tour Montparnasse !
Bien que situé extra-muros, l’édifice est pourtant facile d’accès. Desservi par les lignes 1 du métro et A du RER, ainsi que par 10 lignes d’autobus, il n’est qu’à 20 mn du centre de Paris. Quant aux visiteurs motorisés, ils peuvent trouver de la place tout autour de l’enceinte du château. «À ces 135 000 visiteurs payants, il faut ajouter environ 1 million de promeneurs qui profitent de l'entrée libre et gratuite» précise Aymeric Péniguet de Stoutz, l’administrateur du château. En poste depuis le 1er janvier, il évoque également, pour tempérer les chiffres de fréquentation, la «contrainte de jauge» à laquelle les lieux sont soumis.
La gloire puis l'oubli
Même si le domaine s’étend sur 6 hectares, ses parties les plus spectaculaires - le donjon et la Sainte-Chapelle - ne peuvent accueillir qu’un nombre limité de personnes à la fois : 200 pour le donjon et 300 pour la chapelle…On est évidemment très loin de la capacité de Versailles. Abandonné comme demeure royale à la fin du XVIIIe siècle, le château a dès lors embrassé, par la force des choses et le cours de l’Histoire, une vocation militaire, loin des ors de la République. D’où ce long oubli qui s’est étiré jusqu’à la fin des années 1980.
Si son nouvel essor date d’un rapport rendu en 1986 par Jean-Philippe Lecat, le ministre de la Culture de l'époque, rapport qui soulignait les «caractéristiques architecturales exceptionnelles» de l’endroit, Vincennes aurait pu retrouver sa gloire d’antan dès le milieu des années 1960. Trouvant l’Elysée trop exigu et manquant de prestige, Charles de Gaulle envisagea, en 1964, d’installer la présidence de la République à Vincennes avant d’en être dissuadé par son Premier ministre, Georges Pompidou. Le bruit court que le château pourrait encore servir temporairement de siège à l’exécutif en cas d’événement exceptionnel (crue de la Seine, crise majeure...) et que des aménagements auraient été effectués dans le plus grand secret sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Le «Château» déménageant au château ? Le dossier demeure «confidentiel défense».
Un héritage exceptionnel
Reste que l’héritage laissé par la royauté est considérable. «Le donjon est une illustration exceptionnelle de l’architecture du XIVe siècle» s’émerveille Aymeric Péniguet de Stoutz. «Il est le seul exemple aussi bien conservé d’une demeure royale médiévale». «On sait, poursuit-il, où logeait Charles V, où il prenait ses décisions, où il signait ses actes. C’est un exemple unique qui mérite d’être encore connu davantage». Grâce à une tablette iPad spécialement configurée pour la réalité augmentée, le visiteur peut même découvrir les installations et le mobilier du donjon sous Charles V. L'effet (v. photo dans le diaporama ci-dessus) est saisissant. Admirablement restauré entre 1995 et 2007 pour un coût de 17 millions d’euros, le donjon offre une expérience unique au visiteur.
À l’intérieur de cette tour immense, tout en haut de laquelle, après avoir gravi 247 marches, on domine la région parisienne à 360 degrés, on découvre un monument incroyablement bien préservé, plus de six siècles après sa construction. Il a d’ailleurs fallu sa restauration tardive pour que les historiens réalisent que l'édifice était en pierre armée, consolidée avec des barres de fer gainées de plomb, pour prévenir la rouille. Plus bas, on découvre des manuscrits du marquis de Sade, l’un des nombreux prisonniers illustres qui ait séjourné dans ses cellules.
Egalement restaurée récemment, après avoir été sérieusement endommagée par la tempête de décembre 1999, la Chapelle royale, l’une des quatre seules érigées en France, est une splendeur de l’art gothique. «Vincennes, résume Aymeric Péniguet de Stoutz, est une illustration de l’évolution de l’Etat et du pouvoir en France». S’il invite chacun à profiter des Journées du patrimoine pour découvrir le donjon et la chapelle, l’administrateur du château conseille au visiteur d’en profiter pour explorer les archives du ministère de la Défense et les pavillons royaux, habituellement fermés au public. Eux aussi font partie de la richesse d’un domaine en plein renouveau.
Pour + d'information :
Le site des 30e Journées européennes du patrimoine
Le site du château de Vincennes