France: viens voir comme elle est belle, ma banlieue!

Faire découvrir à des touristes les cités du « 93 » (la Seine-Saint-Denis), l'un des départements les plus pauvres de France... le pari semblait fou, mais il est devenu réalité avec l'association Accueil banlieue. Depuis 2011, les membres de cette petite structure, tous habitants des quartiers populaires d'Epinay, de Stains ou d'Aubervilliers, proposent des visites à thème pour des visiteurs venus de Paris ou d'ailleurs, curieux de découvrir une réalité loin des clichés.

Les tours d'Epinay n'ont pas le charme de Montmartre, la splendeur du Louvre ou de la tour Eiffel, mais les vingt visiteurs prennent photos et notes comme s'ils visitaient les monuments emblématiques parisiens. C'est que Matthieu, le guide, regorge d'anecdotes sur sa ville. « Vous voyez, ici c'est le premier logement social d'Epinay, cet ensemble s'appelle le "Chacun chez soi" et date de la fin du XIXe siècle. »

Après un rapide passage au cœur des tours, direction les allées pavillonnaires et leurs petits jardins. « Il y a des noisetiers partout ici, on fait la cueillette tous les ans », explique Matthieu sous les regards attentifs du groupe. « Epinay est une ville beaucoup plus agricole qu'il n'y paraît », renchérit-il. C'est d'ailleurs le thème de cette balade de la ville : apprendre à glaner la flore comme à la campagne.

« C'est vraiment bucolique ici », raconte Michel, la cinquantaine, alors que l'on passe sur les berges de Seine qui longent la ville. « Moi, avant, j'étais Parisien, reprend-il. Aller en banlieue c'était une aventure ! Puis j'ai dû y habiter et au début, je ne faisais qu'y dormir, je sortais à Paris, j'avais tous mes amis à Paris. Un peu par hasard, j'ai découvert des choses extraordinaires. » C'est vrai que ces cinq kilomètres de verdure, véritable havre de paix aménagé pour la promenade, en collaboration avec l'Ecole des paysagistes - qui tient résidence juste à côté - n'ont rien à envier aux parcs parisiens.

Militer pour mettre en valeur son territoire

Cela fait presque dix ans que Matthieu et Marie-Pierre, fondateurs de l'association Accueil banlieue, vivent ici. Ils sont connus de tous. Pour Marie-Pierre, « c'est aussi un choix militant d'habiter en banlieue. Ici, il y a beaucoup de richesses et le brassage de la population est une chance : mon fils va à l'école avec des personnes de 41 nationalités différentes ! C'est ça que je souhaite faire découvrir aux visiteurs. Souvent, ils s'étonnent de voir qu'il n'y a pas que des barres et des tours ici. »

En plus des visites qu'ils organisent en fonction de leurs disponibilités, les membres d'Accueil banlieue proposent des séjours en immersion complète. Des familles en réseau ouvrent leur porte et leur table contre une quinzaine d'euros par nuit. Une alternative aux attractions grand public que propose déjà la Seine-Saint-Denis, comme la basilique, le musée de l’air et de l’espace du Bourget, les puces de Saint-Ouen ou le stade de France.

Christiane, retraitée parisienne, se sent déjà ici comme chez elle. « J'aime beaucoup le 93, confie-t-elle. Je déplore qu'on en parle pas en bien. Je ne comprends pas, je n'ai que de bonnes impressions. C'est tellement agréable d'être ici, il y a beaucoup d'associations qui se prennent en charge et les gens se parlent plus facilement qu'à Paris. »

Après deux heures de marche, la petite troupe se retrouve dans le jardin d'amis de Matthieu et Marie-Pierre. Le couple est de « corvée de poules » ce jour-là. On sirote des rafraichissements « made in 93 » offerts par l'office du tourisme, tandis que ceux qui n'en ont pas eu assez se renseignent sur la prochaine visite. Et pourquoi pas la cité jardin de Stains ou la salle des mariages de Bobigny - et sa Marianne africaine - la prochaine fois ?

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