Hollande, la croyance en la croissance

La France est-elle encore en récession, ou la sortie du tunnel approche-t-elle ? Le pouvoir alterne les signaux contradictoires. Alors que François Hollande martèle depuis plusieurs semaines que « la reprise est là », son ministre de l'Economie a quelque peu douché l'optimisme présidentiel ce week-end.

Peut-être aurait-il dû rester en vacances ce jour-là… Samedi dernier, Pierre Moscovici donne une interview à Nice-Matin. Et annonce une croissance comprise cette année entre -0,1% et +0,1%. C'est à dire nulle. Zéro. Pratiquement rien de bien neuf sous le soleil, la prévision de croissance établie au printemps avec la Commission européenne était à +0,1%.

Sauf que, deux jours plus tôt, François Hollande répétait pour la cinquième ou sixième fois sentir les frémissements de la reprise : « Quelque chose est en train de se passer. » Résultat, le lendemain, Pierre Moscovici a dû rectifier le tir en se rendant sur RTL un dimanche matin du mois d'août. En expliquant qu'on l'avait « mal compris ». Que ses déclarations ne reflétaient pas sa pensée, mais la tendance de l'économie. Ce qui lui a valu le diagnostic amical de l'ancien ministre du Budget UMP, Eric Woerth : Pierre Moscovici « souffre d'une légère insolation ».

Réalisme versus optimisme

Mais ne s’agit-il pas plutôt d’un nouveau couac de communication au sein de l’exécutif ? Pierre Moscovici a bien dit la vérité dans Nice-Matin, la croissance est bien « faible, voire étale », pour reprendre les mots du ministre. Mais toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, surtout lorsque le président en personne répète depuis le 14 juillet que « la reprise est là », et depuis presque un an que la courbe du chômage va s'inverser à la fin de l'année. Le réalisme du ministre de l'Economie s'accommode assez mal avec l'optimisme déployé par François Hollande lors des cinq déplacements de terrain qu'il a effectués ces derniers jours.

C'est sa marque de fabrique, au président. Sa méthode de gouvernement. Il ne s'agit pas d'appuyer là où ça fait mal (les Français ont déjà bien assez mal comme ça), il s'agit au contraire de redonner confiance. François Hollande l'a théorisé. Marteler que la reprise est là, ce n'est pas de la pensée magique... Tous les économistes le disent, et François Hollande le premier : la confiance des acteurs économiques est une donnée essentielle. « Si on n'accompagne pas la reprise, très fragile, elle peut se déliter », expliquait d'ailleurs le président il y a quelques jours. Autrement dit, selon le socialiste Julien Dray (longtemps proche de François Hollande), interviewé par Le Parisien, il s'agit de « forcer le destin ».

« Je ne vends pas d’illusions »

Mais si le destin résiste, la déception peut être grande. Le pouvoir en mesure les risques. François Hollande le premier en est conscient : « Il ne faut pas vendre de l'illusion, disait-il en marge de son dernier déplacement de terrain la semaine dernière. Et je ne vends pas d'illusions. » Dans l'esprit du président, la reprise signifie la fin de la récession, pas le début de la croissance. Même chose pour l'inversion de la courbe du chômage, la grande promesse du début de son quinquennat : à ses yeux, c'est la fin de l'augmentation du chômage, ce qui ne veut pas forcément dire la décrue... Pas sûr que les Français saisissent ces subtilités sémantiques.

L'absence de croissance, ils la verront sur leur feuille d'impôt. « On ne peut pas écarter tout nouvel effort », expliquait l'Elysée la semaine dernière. Contrairement à l'engagement qu'avait pris François Hollande sur France 2 en mars dernier. Entre la réforme des retraites, dévoilée à la fin du mois, des hausses d'impôts qui semblent inévitables - le projet de budget arrive en septembre -, et la hausse de la TVA le 1er janvier, l'addition s'annonce salée pour les Français. Elle risque aussi de l'être pour le gouvernement et la majorité, qui pourraient payer, dans les urnes, aux municipales et aux européennes l'an prochain, le mécontentement des électeurs. Il est lui en pleine croissance.

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