RFI : Simplifier, moderniser, est-ce que ce n’est pas finalement un serpent de mer ? Les gouvernements successifs n’ont de cesse de présenter leur mesure phare. Selon vous, ce que Jean-Marc Ayrault va présenter tout à l’heure a des chances de porter ses fruits ?
Olivier Renaudie : Tout d’abord, à propos du serpent de mer : évidemment la question de la modernisation et de la simplification administrative, c’est bien un serpent de mer. Tous les Premiers ministres successifs ont présenté un programme de modernisation administrative. Je dirais même que ça ne commence pas sous la Ve République. Dès la IIIe République, les présidents du Conseil successifs se faisaient forts d’incarner la réforme administrative, la modernisation administrative, la simplification administrative. La seconde interrogation est de savoir si ça peut porter ses fruits. Dans les annonces que va faire Jean-Marc Ayrault cet après-midi et dont les médias se font largement l’écho, il y a en effet des points qui sont susceptibles d’une part d’affecter la vie quotidienne de tout à chacun et de la simplifier : le paiement en ligne des cartes grises ou la prolongation de la durée de validité des cartes d’identité ou de manière générale le développement des téléprocédures administratives. Puis il y a des coupes claires s’agissant des formalités administratives qui sont plus précisément relatives aux entreprises. Sur ce point également, les choses vont dans le bon sens.
Ces simplifications sont elles vraiment utiles ou simplement symboliques ?
C’est difficile de se prononcer sur l’économie générale, sans doute ni révolution, sans doute ni gadget non plus et sans doute quelque chose de plus intermédiaire. Il faut quand même noter un certain nombre de points qui sont intéressants. Par exemple, parmi les propositions qui sont avancées, il y en a une qui est une petite révolution juridique. C’est celle qui consiste à faire en sorte que le silence gardé par l’administration lorsque vous la sollicitez d’une question, d’une demande, d’une réclamation, ce silence gardé pendant deux mois vaut aujourd’hui en droit français refus. L’idée qui va être avancée par le Premier ministre, c’est que ce même silence vaut, par principe, acceptation. C’est-à-dire que quand vous sollicitez l’administration, si elle garde le silence pendant deux mois, alors ce silence peut être interprété comme une acceptation. C’est une petite révolution juridique parce qu’on voit bien l’enjeu : ça va obliger l’administration à réagir et à motiver son éventuel refus, car si elle le ne fait pas, si elle garde le silence pour des raisons diverses, alors ce silence vaudra acceptation dans des domaines comme le droit des étrangers, le droit de l’urbanisme, le droit des permis de conduire. On voit bien que ces enjeux seront extrêmement importants.
Dans les aides de l’Etat, le gouvernement va faire des coupes. Est-ce que c’est aussi une manière de détourner les hausses d’impôts directs ?
La question est plus politique. En effet, les deux peuvent être envisagées de manière complémentaire pour réduire les finances publiques. Peut-être ce que je pourrais avancer, s’agissant de l’économie générale de la réforme qui est proposée, c’est que les grands oubliés sont peut-être les collectivités territoriales. Les mesures se concentrent sur l’administration de l’Etat, peut-être qu’elles délaissent un peu trop les collectivités territoriales et leur administration dont on dit parfois qu’elles sont relativement pléthoriques.
Les entreprises, elles vont prendre cela comment ?
D’après les premières déclarations que l’on entend de la part des représentants notamment du Medef, ils peuvent interpréter cela comme une forme d’hostilité à leur égard, puisqu’en effet il y a quelques coupes claires dans les aides aux entreprises. Notamment aux mesures de soutien en faveur des biocarburants, aux mesures de soutien s’agissant des chambres de commerce, des chambres des métiers. Donc les premières réactions de la part des représentants du patronat sont assez hostiles et on peut légitimement le comprendre.