France : l'intrusion de Greenpeace dans la centrale de Tricastin interpelle

Plusieurs dizaines de militants de l’organisation Greenpeace ont pénétré dans la centrale nucléaire du Tricastin pour démontrer la vulnérabilité de ces installations et demander la mise en place d’une politique de sortie du nucléaire. La gendarmerie a procédé à vingt-neuf interpellations mais cette incursion relance le débat sur la sécurité des centrales.

Ce lundi 15 juillet, à 5h20 du matin, des militants de l'association Greenpeace ont pénétré dans la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme) et ont atteint en 15 minutes les réacteurs 1 et 3 de la centrale sur lesquels ils ont déployé des banderoles où l'on pouvait lire : « Tricastin : accident nucléaire. François Hollande : président de la catastrophe ? ». Dans le même temps, depuis la berge d'en face, d'autres activistes symbolisaient la fragilité de cette centrale nucléaire, en projetant une fissure en cours de formation sur le réacteur 1.

Action militante

L'action, spectaculaire et très médiatisée, a suscité le déploiement sur place de cent soixante gendarmes pour déloger les activistes qui s'étaient enchaînés aux structures et aussi pour s'assurer qu'il ne restait plus de personnes étrangères à la centrale à l'intérieur de l'enceinte.

Le ministère de l’Intérieur dit avoir interpellé vingt-neuf militants de nationalité française, italienne, roumaine et espagnole et souligne qu'aucun d'eux n'a pu accéder aux zones sensible de la centrale, comme la salle des commandes. Et il a précisé par l’intermédiaire de son porte-parole Pierre-Henri Brandet qu’il s’agissait « d’une action médiatique qui ne représentait pas de danger pour la sécurité des installations ».

Les écologistes qui ont réalisé cette opération se sont tout de suite laissés identifier devant les caméras de surveillance et ils ont fait l'objet « d'interpellation en douceur », ce qui n'aurait pas été le cas s’il y avait eu une attaque terroriste, laissent entendre les autorités.

La sécurité des dix-huit centrales nucléaires en activité est assurée par la gendarmerie nationale et par un peloton spécialisé de protection et de gendarmerie (PSPG) qui compte une trentaine d’hommes, tous volontaires, formés par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN). Le PSPG a été créé en 2009 par EDF et la gendarmerie à la suite de l’attentat du 11-Septembre 2001, afin de pouvoir répondre à une éventuelle menace terroriste.

Un site emblématique

Considéré comme l’un des sites les plus importants de France en termes de concentration d’industrie nucléaire et chimique, le site du Tricastin s’étale sur 650 hectares, trois communes, deux départements et deux régions qui comprennent : les industries du groupe Areva, membre du Business Group Amont dont la vocation est la transformation de l’uranium issu des mines en combustibles pour les centrales nucléaires et la centrale nucléaire du Tricastin exploité par EDF.

La centrale nucléaire a été construite en 1974 et a été mise en service en 1980. Elle comprend 4 réacteurs à eau pressurisée qui ont produit en 2012 près de24 milliards de KWh, soit, d’après EDF, une production équivalente à la consommation de 3,5 millions de personnes.

Cette centrale est considérée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) comme performante en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Or, bien que ces critères intègrent les risques d’agressions externes comme les chutes d’avion, les séismes ou les inondations externes, cela ne l’a tout de même pas empêché d’être pénétré par des militants écologistes.

Le message

Pour l’association Greenpeace, qui a déjà réalisé à plusieurs reprises des opérations d’intrusion similaires dans d’autres centrales nucléaires, l’objectif était une fois de plus de réaffirmer la vulnérabilité de ces centrales nucléaires et l’urgence de prises de mesures. Au-delà de la centrale du Tricastin, qui est considérée par l’association comme l’une des 5 centrales les plus dangereuses de France, Greenpeace a voulu montrer que la solution la plus efficace en terme de sûreté était la fermeture des centrales.

Une occasion pour l’organisation écologiste de rappeler au président de la République ses engagements électoraux, à savoir une réduction de 50% du parc nucléaire français d’ici à 2025. Ce qui voudrait dire à peu près dix réacteurs fermés d’ici à 2017 ; or le premier site sur la liste dont la fermeture avait été annoncée, la centrale de Fessenheim, n’est à ce jour toujours pas fermé.

Les réactions

Suite à cette action, les réactions ont été multiples. Bien que le président de la République ait réaffirmé sa confiance dans la sûreté nucléaire à cette occasion, certains, comme l’eurodéputée Michèle Rivasi, cofondatrice de la CRIIRAD (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité), ont salué « cette action militante et pacifiste », rajoutant « que si une dizaine de militants peuvent pénétrer en 15 minutes dans la centrale et que ceci est considéré comme un " non événement " par les responsables d’EDF, alors la situation est grave. C’est sous-estimer le risque terroriste auquel est soumis toute centrale nucléaire en France ».

De leur côté, les ministères de l’Intérieur et de l’Écologie ont demandé un durcissement des sanctions contre les personnes pénétrant illégalement dans les centrales nucléaires. Un changement de statut des installations nucléaires pourrait être proposé dans le cadre de la loi sur la transition énergétique à l’automne.

Partager :