Yannick Jadot: «Nous n’axons pas notre participation gouvernementale à la présence de tel ou telle ministre»

En France, après son limogeage ce mardi 2 juillet 2013, Delphine Batho a été remplacée au ministère de l’Ecologie par Philippe Martin. Ce dernier a promis que l’écologie sera une exigence absolue. Une déclaration sensée rassurer les écologistes dont sont issus deux ministres du gouvernement Ayrault, Pascal Canfin et Cécile Duflot. Est-ce suffisant ? Eléments de réponse avec Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie-Les Verts.

RFI : Delphine Batho, socialiste, dénonce un mauvais budget et quitte le gouvernement. Pourquoi les Verts restent-ils ?

Yannick Jadot : Parce que nous, nous n’axons pas notre participation gouvernementale au fait que tel ou telle ministre soit au gouvernement. Notre sujet, c’est de savoir si ce gouvernement engage, pour la sortie de la crise économique et sociale, une transformation écologique dans l’industrie, dans le logement, dans l’agriculture, dans l’énergie. C’est ça notre sujet ! On sait qu’on va avoir, dans les deux, trois mois qui viennent, des arbitrages extrêmement importants sur une nouvelle transition, un nouveau chemin énergétique pour la France. On va avoir le débat sur la fiscalité écologique dans le budget 2014, et on a dès la semaine prochaine l’annonce par le gouvernement des investissements d’avenir. Donc, c’est là-dessus qu’on fixe notre participation gouvernementale.

Evidemment, le départ de Delphine Batho, et la façon dont ça s’est fait sur la base de ses déclarations sur le budget du ministère de l'Ecologie, a soulevé les frustrations, les déceptions des écologistes aujourd’hui, après un an de quinquennat. Mais notre horizon est toujours aussi clair. Regardons la feuille de route de Philippe Martin, regardons les arbitrages des sujets absolument essentiels, et sur ces bases-là, on définira si on reste ou pas au gouvernement.

Comment réussir de telles ambitions quand on investit finalement si peu avec un budget en baisse de près de 7% ?

Avec des investissements sur la transition énergétique et le fait d’orienter des investissements plutôt sur les économies d’énergie, la rénovation du bâtiment, et donc la facture des ménages, plutôt que sur les fantasmes d’une troisième génération de réacteurs nucléaires qui nous coûtent extrêmement chers. On voit bien qu’il y a souvent à réorienter des investissements, plutôt qu’à en créer des nouveaux. On voit bien qu’on dépense des milliards et des milliards sous des niches qui vont à l’encontre de l’environnement, sur le diesel par exemple, ou sur le fait que, quand vous prenez un avion, vous ne payez pas de taxe sur le carburant. Donc, il y a de l’argent à récupérer autour des propositions écologistes, et surtout des milliers d’emplois à créer, des entreprises à créer. Rappelons que le diesel fait 16 000 morts par an en France, quatre fois plus que les accidents de la route ! On ne peut pas rester inactif par rapport à ce problème-là.

Un débat va s’ouvrir sur la transition écologique. Est-ce que il y a des échéances dans le temps ?

Il y a des échéances avec d’abord la semaine prochaine, l’annonce sur les investissements d’avenir. Est-ce qu’il y aura des investissements dans la transition écologique ? C’est encore une fois un vecteur de sortie de crise. Et il y aura les grands arbitrages qui vont être faits sur le budget 2014. Est-ce qu’on va enfin avoir la fiscalité carbone ? Est-ce qu’on va arrêter que l’ensemble des Français subventionnent le diesel, quand on voit la crise automobile d’aujourd’hui, les problèmes de santé, les problèmes de pouvoir d’achat des ménages ? Puis, évidemment, il y a la grande loi de programmation sur la transition énergétique. Ça fait quarante ans qu’on attend une grande loi qui mise enfin sur les économies d’énergie et sur les énergies renouvelables.

Voilà les échéances. Ce sera donc depuis la semaine prochaine jusqu’aux arbitrages qui seront rendus à la rentrée sur ces grands sujets-là. Mais nous, notre responsabilité depuis le départ, c’est de mettre les mains dans le cambouis, de considérer qu’effectivement, les écologistes ont acquis, j’allais dire, une culture de gouvernement, que ce gouvernement n’a pas encore acquis de culture écologiste, mais on veut croire qu’on va peser dans les mois qui viennent. Sinon, effectivement, on en tirera les conséquences.

Acquérir une culture de gouvernement, est-ce que ce n’est pas, ces derniers jours, un peu avaler des couleuvres ?

C’est souvent quand vous êtes minoritaire dans un gouvernement, dans une majorité, avaler des couleuvres. C’est entendre régulièrement des discours qui relèvent plus d’un conservatisme productiviste que d’une transformation, la volonté de transformer notre économie, de transformer notre société pour aller vers du mieux. Mais c’est aussi se dire que si on est hors du gouvernement, hors de la majorité, qu’on est simplement protestataires, dans une forme d’opposition, ça ne fera pas non plus avancer les choses. On a fait en sorte qu’il n’y ait pas de gaz de schiste dans notre pays. Le projet de Notre-Dame-des-Landes est quand même pour le moins mis sur la touche. On a encore beaucoup de choses à gagner, beaucoup de choses essentielles. Mais nous, on ne peut pas se satisfaire de simplement rester dehors pour critiquer, tant qu’on pense qu’on peut peser. Et on a des échéances importantes. Tant qu’on pense qu’on peut peser, là, on sera là pour essayer de transformer la société française.

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