Aujourd’hui, en France, près d’un médecin sur dix a obtenu son diplôme hors des facultés de l’Hexagone. Pour ceux qui rêvent de faire des études de médecine et qui butent sur le fameux numerus clausus (seulement 7 500 étudiants admis à l’issue de la première année), point de salut si ce n’est dans des facultés de médecine plus accueillantes. C’est ainsi que nos apprentis médecins français se précipitent vers la Belgique, la Roumanie, la Bulgarie quand ce n’est pas l’Algérie, le Maroc ou la Tunisie.
Un quart des nouveaux médecins a un diplôme étranger
Ce phénomène est loin d’être marginal comme le révèle le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Ces praticiens, formés à l’étranger, sont 17 835 à pratiquer régulièrement leur art en France, soit 9% de la totalité des effectifs. Et le mouvement est loin de se tasser comme le montrent les chiffres de 2012 : près de 25% des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre avaient obtenu leur diplôme hors de France. Même s’il est difficile d’avoir des chiffres précis, on estime que 10 000 à 20 000 étudiants français sont actuellement sur les bancs de facultés de médecine hors de France.
Dans cette course au parchemin, c’est le Maghreb, avec en tête l’Algérie (22%), qui a la faveur des candidats médecins français ; ils sont un tiers à y avoir décroché leur diplôme. Suivent la Roumanie, puis la Belgique, la Syrie, le Maroc, la Tunisie, l’Allemagne, l’Italie et enfin l’Espagne. Recalés en France, comme 85% des 55 000 candidats qui tentent de franchir le cap de la première année, ils profitent ainsi de l’équivalence des diplômes en Europe. Pour les autres, ils devront à leur retour en France, faire reconnaître leur diplôme. Un parcours du combattant qu’ils partageront souvent avec leurs confrères étrangers et qui peut s’étaler sur plusieurs années.
Pénurie annoncée
Quelle que soit l’issue, ces médecins parviendront à exercer leur profession mais pas toujours au niveau auquel ils auraient pu prétendre et encore moins au même salaire que leurs collègues. La France manque en effet de médecins et la situation devrait encore se tendre, comme l’anticipe le Cnom qui estime que le nombre de généralistes devrait chuter de 5,5% d’ici 2018. Déjà dans plusieurs régions, la proportion de médecins à diplômes étrangers est en hausse notamment à l’hôpital dans des spécialités comme la radiologie ou l’anesthésie. En Auvergne, depuis 2008, le nombre de titulaires d’un diplôme étranger a presque doublé.
A partir du moment où la pénurie de médecins est unanimement reconnue et qu’on se lamente sur les déserts médicaux hexagonaux, il est légitime de se demander pourquoi le niveau du fameux numerus clausus n’est pas relevé autrement qu’au compte-goutte ? Estimant que la santé coûtait trop cher, les pouvoirs publics avaient institué en 1971 ce barrage qui avait pour objectif de réaliser des économies en diminuant le nombre de médecins.
Plus de quarante ans ont passé et aujourd’hui même le Conseil de l’Ordre reconnaît que le numerus clausus est dépassé puisqu’il est possible de le contourner. Mais la suppression de la limitation du nombre d’étudiants se heurte aux capacités de formation limitées, aux dires des doyens des facultés de médecine.
Cette année, seuls 7 500 étudiants pourront passer le cap de la première année-couperet ; sur l'année 1971-1972, ils étaient 8 588. Dans certaines régions, il faut aujourd’hui patienter plusieurs mois pour avoir un rendez-vous avec un ophtalmologue. On peut imaginer que la situation, déjà tendue, serait encore pire s’il n’y avait pas ces médecins à diplômes étrangers pour combler une pénurie annoncée depuis des décennies.