C’est un film qui ne laisse pas indifférent : Roman Polanski fait jouer sa propre femme Emmanuelle Seigner à côté d'un Mathieu Amalric qui ressemble de plus en plus à un jeune Polanski qui à son tour sera piégé (le rôle d'Amalric, pas Polanski !) par sa propre perversion dans un jeu sado-maso avec la fille qu'il auditionne.
Le tout est pensé, mise en scène et filmé par un réalisateur toujours recherché par Interpol pour un viol avec sodomie perpétrée en 1977 à une jeune fille de 13 ans. Voilà ce qui ne donne pas forcément envie de voir le film. De l'autre côté, l’œuvre d’un réalisateur palmé et en lice pour la plus prestigieuse récompense cinématographique, cela ne se refuse pas.
Fouets et humiliations
Le film commence avec un tonnerre. On se trouve dans un boulevard parisien, il pleut des cordes, soudain il y a ce théâtre où des mains invisibles nous ouvrent les portes. Il est tard, l’audition pour la pièce La Vénus à la fourrure est déjà terminée, Thomas, le metteur en scène, est en train de partir, arrive alors Vanda. La comédienne insiste et réussit quand même à passer l’audition pour cette pièce peuplée de fouets et humiliations, écrite par le père du sadomasochisme.
Les conditions du tournage du film ont largement influencé le résultat. Enfermé pendant douze heures par jour dans un théâtre entièrement reconstitué, le film a été tourné avec une seule caméra (« Il n’y a pour moi qu’un seul ‘meilleur angle ‘ »). A l’écran, ce huis clos brille par sa rigueur et sa délicatesse dans les retournements dramatiques. On y trouve ce que Polanski réussit le mieux : la perversion, le malsain et la cruauté du destin. Emmanuelle Seigner découvre avec la vulgaire et surprenante Vanda un rôle taillé à sa mesure et Mathieu Amalric est beaucoup mieux dirigé que dans Jimmy P., également en lice pour la Palme d’or. Le metteur en scène Thomas, parti pour donner les répliques à la femme auditionnée, se retrouve soudainement dirigé par la comédienne qui semble tout savoir sur sa vie et ses désirs tout en critiquant ouvertement la pièce comme « sexiste ».
Une « satire du sexisme » ?
Polanski présente son film comme une « satire du sexisme », voire « féministe ». Des déclarations très relatives quand on sait qu’il a tenu lors de la conférence de presse après la projection du film des propos d’une toute autre nature : « L’égalité des sexes chasse le romantisme de nos vies. Je pense que cette tendance à vouloir mettre les hommes et les femmes à égalité est purement idiote. Je pense que c’est le résultat des progrès de la médecine. La pilule a beaucoup changé les femmes de notre temps, en les masculinisant. »
Dans la pièce, Polanski manipule avec la virtuosité qui le caractérise beaucoup de citations de sa propre œuvre, comme la veste de velours qui renvoie au Bal des vampires ou une robe qui fait penser à Tess. Malgré ce feu d’artifice artistique, à la fin, on n’est pas convaincu de la nécessité de transformer cette pièce de théâtre en un film en huis clos théâtral qui semble surtout être au service d’Emmanuelle Seigner. Plus que la relation entre le metteur en scène et la comédienne, Polanski explore les rapports de domination et soumission qu’il entretient avec sa propre femme devant sa caméra. La phrase de la comédienne qui a fait beaucoup rire la salle à Cannes : « Le sadomasochisme, je connais, je travaille au théâtre ! » est alors un malicieux écran de fumée et un simple prétexte. Bien évidemment, Roman Polanski n’a pas fini de nous manipuler.