Scandale de l’amiante: l’instruction sanctionnée

Le scandale de l’amiante est bien sûr une question de santé publique majeure. Mais le dossier est devenu également politique après la mise en examen, en novembre dernier de Martine Aubry. Et c’est notamment le sort de l’ancienne 1ère secrétaire du PS qui s’est joué ce vendredi 17 mai devant la justice française puisque sa mise en examen a été annulée par la cour d’appel de Paris.

Dans un communiqué diffusé dès la décision connue, Martine Aubry s'est félicitée que la cour d'appel de Paris ait annulé sa mise en examen dans ce dossier de l'amiante. « J'ai toujours agi en fonction de l'état des connaissances pour protéger au mieux les salariés » écrit-elle, soulignant que lorsqu'elle était ministre du Travail elle avait « notamment créé la cessation anticipée d'activité pour les salariés de l'amiante, ainsi que le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ».

Et en politique avisée, Martine Aubry pense immédiatement à l'avenir : elle assure « qu'elle va continuer de se battre au plan local, comme au plan national pour que les droits des victimes de l'amiante soient reconnus », et qu'enfin ces victimes aient le droit à un procès qui permette d'identifier les responsabilités individuelles et collectives.

Il faut noter que cette instruction était une véritable épée de Damoclès sur la tête de l'ex-ministre socialiste. Son avenir politique s'éclaircit désormais. La voie est libre pour son retour sur le devant de la scène politique au plan national d'autant qu'elle est régulièrement citée comme un recours possible au poste de Premier ministre.

Une instruction qui ciblait les politiques

Dans cette instruction, la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy s'était intéressée en particulier à la réponse des pouvoirs publics face au scandale de l'amiante et à l'influence du CPA, le Comité permanent amiante.

Le CPA est un lobby des industriels qui selon l'instruction aurait efficacement défendu « l'usage contrôlé » de cette substance pour retarder au maximum son interdiction. Or le caractère cancérigène de l'amiante est connu depuis les années 50. Cependant le premier décret réglementant son usage ne date que de 1977 et son interdiction définitive n'est intervenue qu'en 1997.

En 2005 un rapport sénatorial a accablé l'Etat pour sa gestion défaillante du dossier. L'amiante pourrait provoquer 100 000 décès dans les dix prochaines années. Marie Odile Bertella-Geffroy, qui depuis a quitté ses fonctions, avait estimé que Martine Aubry, tout comme les autres fonctionnaires mis en examen, n'avait pas pris les mesures à même d'éviter ce drame sanitaire.

Beaucoup d'observateurs, y compris l'association nationale des victimes de l'amiante pourtant partie civile dans ce dossier, s'étaient cependant montrés sceptiques quant au bien-fondé juridique de ces mis en examen. Le parquet général avait de son côté requis son annulation au motif que l'influence du lobby de l'amiante sur les pouvoirs publics n'était pas établie et que la responsabilité des fonctionnaires ne pouvait être engagée.

L’ire des victimes de l’amiante

Colère de l'Andeva, l’association nationale des victimes de l’amiante, qui estime que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est « disqualifiée » car son arrêt écrit-elle « glorifie l'action du lobby de l'amiante ». L'association a déjà annoncé qu'elle allait se pourvoir en cassation.

Les victimes ne comprennent pas non plus comment le contenu de cet arrêt a pu être dévoilé par l'hebdomadaire Le Canard enchainé, mercredi 15 mai, comme si, disent-ils « une fuite avait été organisée pour préparer les esprits à un non-lieu général ».

Les victimes ne cessent de critiquer ce qu'elles appellent un fiasco judiciaire. En Italie par exemple, dans le dossier Eternit, l’un des plus importants fabricants de fibre d’amiante au monde, des peines de prison ont été prononcées en 2012, alors qu'en France les procédures piétinent.

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