Il faut tout revoir de l’aveu même du ministre. Le système d’asile en France est à point de saturation tel que seule une réforme en profondeur lui permettra de retrouver un fonctionnement acceptable. Pour Manuel Valls qui s’exprime dans Le Monde daté de ce dimanche-lundi, « notre système est à bout de souffle, je ne l’accepte pas. Il faut le réformer », dit-il.
L’Europe s’en mêle
Cette prise de conscience n’est pas étrangère à l’accord qui vient d’être trouvé au sein de l’Union européenne, après trois ans de discussions, et qui prévoit des normes communes pour l’accueil et le traitement des demandes d’asile. Un des points clés de cette décision vise justement à examiner les demandes déposées dans un délai de six mois à neuf mois. Actuellement, ce délai est de 16 mois en moyenne en France.
L’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) doit conclure assez rapidement avec l’Etat un contrat d’objectifs et de performance qui devrait permettre de raccourcir à trois mois le temps d’examen des dossiers des demandeurs, contre six mois actuellement. Pour cela, l’Etat a déjà prévu de créer 4 000 places d’hébergement et de procéder à des recrutements à l’Ofpra afin d’accélérer l’examen des demandes. Il est aussi prévu une refonte de la procédure d’appel pour les candidats déboutés.
L’engorgement auquel se heurtent les demandeurs d’asile n’a jamais été aussi important depuis 1989, année record avec 61 400 demandes. En 2012, avec 61 000 dossiers déposés ce qui fait de la France le deuxième pays européen le plus sollicité après l’Allemagne, le système n’en peut plus. Manuel Valls rappelle que « depuis 2007, les demandes d’asile ont augmenté de 70% » dégradant petit à petit « la qualité de l’accueil, celle de l’hébergement et l’accessibilité de la procédure ».
Inefficace et coûteux
Faute de places dans les centres d’hébergement adaptés (CADA) qui n’accueillent plus que 30% des demandeurs, « on a recours de façon massive à l’hébergement d’urgence, au détriment des demandeurs d’asile comme des finances publiques. Tout le monde est perdant », ne peut que constater le ministre de l’Intérieur.
Pour modifier en profondeur le système, Manuel Valls va lancer dès le mois de juillet une consultation nationale qui sera animée par un parlementaire et où interviendront élus locaux et associations. Les conclusions seront connues à l’automne et serviront à élaborer une nouvelle loi. Une façon de procéder qui ne satisfait qu’à moitié France terre d’asile. Pierre Henry, son directeur, aurait préféré qu’il soit d’abord procédé à un audit du système mené par exemple par l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) ou encore par une mission d’information parlementaire.
Pour La Coordination française pour le droit d’asile, groupement d’associations françaises spécialisées sur la défense du droit d’asile telle que la Cimade, « la course à la réduction des délais et la lutte contre les détournements de procédure doivent céder la place à une réflexion d’ensemble pour assurer l’accueil et la protection des réfugiés grâce à une procédure efficace et équitable ». Elle dénonce le « parcours du combattant » des demandeurs d’asile, « tout cela pour un coût de plus en plus élevé alors que le service rendu aux demandeurs d’asile est de plus en plus défaillant ».
Intransigeant
Un constat que partage en partie Manuel Valls même si les méthodes qu’il veut mettre en œuvre diffèrent. Ainsi, il mise sur une réorganisation de l’Ofpra où les recrutements sont en cours et, promet-il, « toutes les démarches seront simplifiées, de la domiciliation jusqu’à l’accueil en préfecture ».
Le ministre de l’Intérieur veut aussi agir sur la concentration des demandes qui, à 45%, arrivent en Ile-de-France. « Le département de l’Oise et des villes comme Lyon, Rennes ou Dijon sont débordées », détaille-t-il, donc « il faut être plus directif pour imposer aux demandeurs d’asile d’aller dans des régions moins surchargées ».
Si la volonté d’améliorer le dispositif est claire, sur la question des déboutés et de leur éloignement, Manuel Valls se veut extrêmement ferme. Ainsi, si ces derniers « restent en France sans titre de séjour, ils dévoient le droit d’asile, pense-t-il, et relèvent alors de la lutte contre l’immigration clandestine. Je serai intransigeant sur ce point » ajoute Manuel Valls.