Par Thomas-Sean de Saint Leger
Didier Deschamps ne semble pas enchanté par ce rendez-vous devant les sénateurs. Le sélectionneur national a demandé que son audition se tienne à huis clos, loin des micros et des caméras. Le compte rendu ne sera même pas divulgué à l’issue de la séance.
Pourtant, Deschamps n’a rien à craindre a priori : d’abord parce qu’il devrait être entendu comme sélectionneur des Bleus, ancien joueur, entraîneur et pas directement comme membre de cette équipe de la Juventus au passé trouble. Ensuite, parce que cette commission n’a pas vocation à sanctionner, mais à écouter.
Ce qui inquiète probablement Didier Deschamps est de ne pas savoir précisément à quoi s’attendre. Interrogé, Jean-Jacques Lozach, le rapporteur de la commission, n’a pas voulu détailler les questions qui seront posées à l’ancien Marseillais. Mais, comme pour les autres auditionnés, il promet de ne pas épargner le sélectionneur : « Il faut des questions incisives. Sur ce type de sujet, il y a un voile de complicité, de silence… Des intervenants ont même parlé d’omerta. Si on n’ose pas, on n’apprendra rien. Il ne s’agit pas d’accuser, mais de partir d’une réalité incontestable pour établir des préconisations qui seront étudiées par l’Etat et le mouvement sportif. »
Quelles conséquences sur le sport français ?
L’objectif de cette commission est ambitieux : dresser un état des lieux complet du dopage et optimiser les moyens de lutte. Concrètement, le rapport des sénateurs, prévu pour juillet, sera étudié par le ministère des Sports, dans le but d’intégrer un volet « dopage » à une future loi. D’ici là, différents acteurs du monde du sport (Bernard Laporte, Christian Prudhomme y sont déjà passés), des organismes impliqués dans la lutte anti-dopage ou contre le trafic de produits dopants défileront au Sénat.
Si la démarche impressionne, son efficacité n’est pas garantie. Car quand on parle de dopage, on se heurte à des murs difficiles à bouger. Damien Ressiot, journaliste à L’Equipe, spécialiste de ces affaires, est d’ailleurs plutôt mitigé : « Les dossiers sont bien préparés, mais ça n’est pas très violent, loin d’une cour de justice. Et même si les auditionnés prêtent serment, certains ont sans doute menti. J’espère juste que les sénateurs ne sont pas dupes. »
L’ancien cycliste Christophe Bassons, banni du peloton pour avoir dénoncé les pratiques dopantes à la fin des années 1990, se veut plus optimiste : « J’ai de l’espoir, j’espère qu’il y aura des modifications de textes, des améliorations sur la lutte et plus de moyens en termes de prévention ». Aujourd’hui, Bassons diligente des contrôles et est devenu l'un des symboles de la lutte contre le dopage. Il est aussi venu devant les sénateurs pour apporter des solutions :
« On doit s’interroger sur toutes ces autorisations qui permettent d’utiliser des produits comme les corticoïdes, plaide-t-il. Et si on veut viser des sportifs, il faut donner plus de moyens à ceux qui travaillent tous les jours, sur le terrain, dans cette lutte. Aujourd’hui, je ne fais pas confiance aux fédérations, qui raisonnent d’abord en termes de performance ou de nombre de licenciés. »
Après Deschamps, la commission poursuivra ses travaux jeudi 25 avril avec l’audition d’une autre figure majeure de cette lutte : le patron de l’Usada (l’agence Américaine anti-dopage), Travis Tygart. L’homme qui a fait tomber Lance Armstrong.