RFI : Serge Simon, le rugby serait un sport de dopés. C’est en tout cas ce qu’ont pu comprendre certaines personnes suite aux déclarations de l’Agence française de lutte contre le dopage (Afld).
Serge Simon : Des chiffres ont été triturés. Puis, il y a eu un raccourci médiatique hallucinant. Pourtant, les chiffres sont simples et parlent d’eux-mêmes. En 2012, il y a eu vingt-deux contrôles positifs dans le rugby, dont deux cas avérés de dopage. Avec ironie, on peut dire que, si le rugby est le sport le plus touché par le dopage, c’est une très bonne nouvelle pour le sport français…
Depuis, l’Afld a fait un peu marche arrière. Mais tout ça montre que la lutte anti-dopage a des failles et a des limites, qu’elle doit être remise en question. Si ce bug-là était tombé sur un sport comme le cyclisme, tout le monde aurait baissé la tête, même si ce qui avait été dit était archi-faux. Ils (le monde du cyclisme) auraient avalé la couleuvre parce que personne n’aurait pu se défendre. Là, c’est tombé sur un sport plutôt organisé, plutôt épargné de ce point de vue (le dopage, ndlr) et disposant d’un capital sympathie. Donc, on s’est défendu.
Maintenant, profitons de ce moment pour voir comment on a pu en arriver là, comment la lutte anti-dopage peut impunément affirmer des choses complètement inexactes et jeter un sport en pâture médiatique.
Ce type de déclarations face au Sénat peut faire des dégâts. Notamment auprès des parents qui voudraient que leurs enfants fassent du rugby.
Au bout de cinq minutes, on lisait en une de tous les journaux : ‘le rugby, le sport le plus touché par le dopage en France’. C’est A-HU-RI-SSANT ! En plus, tout ça n’a pas été dit n’importe où mais devant la commission d’enquête parlementaire du Sénat. […]
Parce que les anti-dopages sont mandatés pour une espèce d’inquisition, tout peut être dit, rien n’est décortiqué, on est dans l’émotion la plus totale. Les dégâts peuvent être lourds.
On a demandé à avoir un rendez-vous à l’Afld le plus rapidement possible pour qu’ils s’expliquent. On ne dit pas des choses comme ça sans en porter la responsabilité ! On a demandé aussi à ce que notre audience au Sénat soit avancée pour qu’on dise ce qu’on pense des méthodes de l’Afld.
Il faut savoir que nous, joueurs de rugby et pratiquants d’autres sports collectifs, sommes en contentieux juridique avec eux (l’Afld). On est contre une des méthodes de l’Afld, la géolocalisation (qui vise à connaître précisément les déplacements des sportifs durant l’année, Ndlr). Elle a déjà fait des dégâts dans le rugby. On a eu deux joueurs suspendus un an, Djibril Camara et Yoann Huget. Ils ont manqué au devoir de géolocalisation qui est un truc absolument ignoble et contraire aux libertés individuelles.
On a déposé un recours juridique à la Cour européenne des droits de l’Homme. On se dit qu’il n’y a peut-être pas un hasard. On était il y a quinze jours dans leur bureau (de l'Afld) pour leur signifier qu’on était déterminé à aller au bout de la contestation. Et quinze jours après, ils nous font cette sortie médiatique...
La suite de l’entretien dans Mondial sports, ce 31 mars 2013
Propos recueillis par Olivier Pron et retranscrits par rfi.fr