Dans un pays en plein crise économique et où l’argent reste un véritable sujet tabou, l’exécutif sait qu’il prend un risque. Le risque d’un grand déballage qui pourrait susciter l’incompréhension des Français, même si selon un sondage, une grande majorité d’entre eux est favorable à la publication du patrimoine des élus.
Pas question donc de renoncer à cette disposition majeure de la future loi sur la moralisation de la vie publique. L’Elysée espère qu’elle permettra de tourner la page de la désastreuse affaire Cahuzac.
Ce lundi après-midi en tout cas, chacun pourra regarder sur le site internet de Matignon le patrimoine des 37 ministres du gouvernement. Il devrait en être avant l’été prochain pour le patrimoine des parlementaires.
« La course au plus pauvre »
Opération transparence pour tous donc. Mais députés et sénateurs, qu’ils soient de droite ou de gauche, renâclent. L’opposition accuse le gouvernement de vouloir jeter l’opprobre sur l’ensemble de la classe politique. Rachida Dati, a ainsi dénoncé un « déballage médiatique et pathétique de la course au plus pauvre ».
Pour l’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy, interrogée ce dimanche sur France Inter, cette initiative gouvernementale n’est qu’une basse « manœuvre de diversion et d’inquisition » pour masquer ses échecs politiques, économiques et moraux, « avec le scandale d’Etat Moscovici-Cahuzac ».
Les critiques pleuvent aussi du côté de la majorité. Le président de l’Assemblée nationale, le socialiste Claude Bartolone, a qualifié cette publication de « voyeurisme ». Les présidents des groupes PS à l’Assemblée et au Sénat, Bruno Le Roux et François Rebsamen, ont pour leur part affirmé s'opposer à toute « publication sauvage » des patrimoines. Des patrimoines qui, selon eux, devraient seulement être déclarés à une Haute-Autorité et dévoilés sous conditions.
Bien que cette mesure soit loin de susciter l’enthousiasme de la classe politique, certains élus ont devancé la loi. C’est notamment le cas, à droite, de l'ancien Premier ministre François Fillon et de Laurent Wauquiez, ancien ministre de l’Enseignement supérieur. « La transparence sur le patrimoine des hommes politiques étant pratiquée dans 24 pays sur 27 (de l’Union européenne, ndlr), il faudra bien y passer », a ainsi déclaré, résigné, l’ancien Premier ministre.
Le débat parlementaire qui suivra la présentation du projet de loi le 24 avril 2013, s’annonce d’ores et déjà explosif.