De rebondissement en rebondissement, l’affaire Bettencourt ne quitte jamais bien longtemps la Une des médias, suite aux révélations du site Médiapart en juin 2010. Depuis près de trois ans, ce qui aurait pu rester une affaire de gros sous et de querelle familiale autour d’une vieille dame très fortunée, Liliane Bettencourt héritière de L’Oréal, s’est transformée en affaire politico-financière.
À ce jour, douze personnes ont été mises en examen dans les trois volets que comporte ce volumineux dossier. Et la dernière n’est pas la moindre puisqu’il s’agit de Nicolas Sarkozy, inculpé d’« abus de faiblesse » à l’encontre de la milliardaire, après une journée d’audition menée par le juge bordelais, Jean-Michel Gentil. Le choc est rude et il déclenche aussitôt les foudres des proches de l’ancien président. Et particulièrement celles de son ancienne plume Henri Guaino qui attaque le juge Gentil, lui reprochant d’avoir « déshonoré la justice ». Ce dernier porte plainte.
Un mystérieux groupe inconnu jusqu’alors
Mais l’emballement ne retombe pas pour autant. Le mercredi 27 mars, des menaces de mort sont envoyées par courrier accompagnées de balles à blanc de gros calibre au juge Gentil comme à deux journalistes en vue, Jean-Pierre Elkabach et Michaël Darmon. L’entourage du juge Gentil a précisé que d’autres juges étaient aussi visés par les menaces.
La missive adressée à Jean-Michel Gentil était signée d’un groupe se baptisant « IFO » pour Interaction des forces de l’ordre. Elle contient des propos erronés qualifiant par exemple le juge Gentil de membre du « Syndicat de la magistrature (...) groupuscules de juges rouges révolutionnaires, social-soviétiques (...) », alors que Jean-Michel Gentil n’est pas membre de ce syndicat.
« Vous êtes physiquement bien protégé », poursuit le ou les mystérieux auteurs qui font depuis l’objet d’une enquête confiée à la section antiterroriste du parquet de Paris, « mais l'un des vôtres va disparaître », menace IFO. Le texte précise que « les cartouches jointes sont à blanc, en attendant de monter nos interventions », et poursuit en assurant que les laboratoires d'expertise ne parviendront pas à trouver trace des auteurs de ces lettres.
Climat délétère
Pour la ministre de la Justice, Christiane Taubira, les menaces de mort proférées à l’encontre du juge Gentil illustrent « le climat délétère dans lequel se déroule l’œuvre de justice ». Sur le même ton, mais plus précis, les magistrats du Syndicat de la magistrature pointent quant à eux « la violence des propos de la « garde rapprochée » de l’ancien président. L’œuvre de décrédibilisation de la justice à laquelle elle s’est livrée ne peut que susciter l’incompréhension des citoyens, la perte de confiance en l’institution judiciaire et, pour finir, l’insupportable déchaînement de haine envers les magistrats chargés de rendre la justice ».
De son côté, la « garde rapprochée » de l’ex-président Sarkozy réagit tout ce qu’il y a de plus tranquillement. Henri Guaino ne retire donc rien : « J’ai parfaitement pesé mes mots » se contente-t-il d’appuyer. Dans un entretien accordé jeudi à Valeurs actuelles il revendique le droit de critiquer la décision du juge et maintient que l’« accusation infamante » d’abus de faiblesse contre Nicolas Sarkozy relève de l’« abus de pouvoir » et du « dévoiement de la justice ».
Depuis, les clameurs ne se sont guère calmées malgré le renoncement de Nicolas Sarkozy à poursuivre le juge Gentil pour obtenir l’annulation de sa décision. Le chœur des amis de l’ex-président donne de la voix à qui mieux-mieux, rejetant fermement les arguments de ceux qui les rendent responsables des menaces de mort adressées au juge.
Ainsi, l’ancienne ministre de la Justice, Elisabeth Guigou, a parlé de « responsabilité des amis de Nicolas Sarkozy ». Des propos qui révulsent le patron des députés UMP : « C'est inimaginable, invraisemblable qu'on puisse, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, penser » à un lien entre ces critiques et la lettre reçue au parquet de Bordeaux, a martelé Christian Jacob.