Renault, les accords compétitivité ou la flexisécurité

Le Comité central d'entreprise de Renault devrait entériner ce mardi 12 mars l'accord compétitivité proposé par le constructeur. Cet accord pourrait faire référence et ouvrir la voie à la «flexisécurité» sur le marché du travail français.

Le Comité central d'entreprise de Renault se réunit ce mardi 12 mars. Cette rencontre devrait entériner l'accord compétitivité proposé par le constructeur automobile. Trois syndicats ont déjà annoncé qu'ils parapheraient ce texte : la CFDT, CFE-CGC et FO. Premier accord du genre au niveau d'un groupe, ce texte pourrait ouvrir la voie à la flexisécurité en France.

L'accord prévoit d'abord une suppression de plus de 8 000 emplois d'ici la fin 2016. Pour environ 5 000 de ces postes, Renault ne remplacera pas des départs en retraite. D'autre part, le temps de travail augmentera de 6,5 % par an et les salaires seront gelés cette année.

Mais en contrepartie, Renault s'est engagé à produire plus de véhicules en France.
« Pour la première fois depuis très longtemps, Renault a décidé de relocaliser sur le sol français la fabrication de véhicules, se réjouit Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif. Aujourd'hui Renault produit à peine plus de 500 000 véhicules en France. Il prend l'engagement d'aller jusqu'à 710 000 dans les années à venir, avec un objectif de 820 000 à horizon 2016. Donc c'est le retour de Renault en France. Et c'est surtout les efforts des salariés qui sont couronnés de succès. Ils ont défendu de façon patriotique leur entreprise, leurs usines, leur outil de travail. »

Pour atteindre ces objectifs de production, 80 000 véhicules pourraient provenir des partenaires de Renault comme Daimler ou Nissan. Des productions assurées par le site de Bursa, en Turquie, seront rapatriées. Et une partie de la production de Caccia au Portugal, sera transférée au site de Cléon, en France.

Un accord référence

Ce texte change beaucoup de choses car jusqu'à présent, les entreprises industrielles signaient site par site des accords de compétitivité pour faire face aux crises conjoncturelles. L'accord Renault concerne l'ensemble des sites du groupe en France. Il se substituera donc aux accords conventionnels d'établissements, notamment sur le temps de travail. Si l'accord devait faire référence, certains y voient la porte ouverte à la flexibilisation du marché du travail.

Le syndicat FO, qui a refusé de signer en janvier, au niveau national, le projet d'accord interprofessionnel sur la flexibilité du travail, a pourtant accepté l'accord Renault.
« L'accord initial proposé par Renault prévoyait une clause de mobilité, explique Laurent Smolnik, secrétaire fédéral FO chez Renault . Le salarié qui refusait cette mobilité pouvait se faire licencier. Vous retrouvez d'ailleurs cette clause dans le texte national. Nous sommes maintenant chez Renault, sur la base du volontariat. Il n'y a donc plus aucun souci et nous sécurisons le statut des salariés. Il était nécessaire que l'on trouve un accord qui nous permette de maintenir l'activité. On ne voulait pas d'un Aulnay chez Renault. Cet accord nous permettra d'avoir une garantie d'emploi et une garantie d'avenir. »

Pas encore de flexisécurité

Mais à bien y regarder, l'accord Renault ne correspond pas vraiment aux critères de la flexisécurité. « On ne peut pas considérer que les accords signés chez Renault soient de la flexisécurité, commente Eric Heyer, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE. Dans la flexisécurité, on flexibilise énormément l'emploi mais on sécurise le parcours du salarié. Or là ce n'est pas le cas puisqu' il n'y a aucune garantie qu'il n'y aura pas de fermeture d'usine. Il y a seulement une promesse. On va vers une baisse du coût du travail, en espérant que ça porte ses fruits en termes de compétitivité et donc de gains de parts de marché. Et l'on espère que ça maintienne l'emploi ».

Le système de flexisécurité a eu de bons résultats dans les pays scandinaves à partir des années 1990. Il a notamment permis de réduire drastiquement le chômage. Mais il repose entre autres, sur des dépenses importantes des Etats pour financer la sécurité. Les licenciements sont facilités mais en contrepartie les indemnités de chômage sont musclées. Au Danemark par exemple, en 2009, le pays a dépensé 3,2 % de son PIB pour indemniser et former les demandeurs d'emploi qui représentaient 6 % de la population active.

« La sécurité des parcours professionnels a forcément un coût pour les finances publiques, continue Eric Heyer. Or on est aujourd'hui dans une logique de réduction à la fois des dépenses et des déficits. Donc il est très difficile de faire de la flexisécurité tout en faisant de l'austérité. »

La flexisécurité ne remplace pas la croissance et avec la crise actuelle, elle montre ses limites. Le Danemark a vu son chômage augmenter à presque 8 % et a dû réduire de moitié la durée des allocations chômage, passant de 4 à 2 ans.

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