Laurence Parisot n’est pas du genre à se laisser prendre au dépourvu. Dès ce lundi 14 janvier 2013, celle qui dirige le Medef (Mouvement des entreprises de France) depuis bientôt huit ans va tenter d’obtenir du conseil exécutif une modification de statuts afin de rester à son poste. Actuellement, les textes de l’organisation patronale limitent à deux le nombre de mandats : un premier de cinq ans renouvelable une fois pour un second mandat de trois ans.
Dans la foulée, l’actuelle présidente a demandé une autre modification des statuts pour permettre, celle-là, de relever la limite d’âge des dirigeants du Medef, actuellement fixée à 65 ans. Là, elle ne pense pas à son propre cas, Laurence Parisot n’a que 53 ans mais, plaide-t-elle, il s’agit d’être « cohérent avec notre position sur le recul de l’âge de la retraite ». L’argument est certes recevable sauf que des esprits mal intentionnés y voient surtout une façon d’éviter l’éviction de certains de ses soutiens les plus actifs comme Pierre Bellon (Sodexo) ou Michel Pébereau (ex-patron de BNP Paribas) atteints par cette limite.
« Coup d’Etat »
Même si la question d’un troisième mandat n’est pas directement à l’ordre du jour de la réunion du conseil exécutif, personne n’est dupe. Le seul fait que Laurence Parisot ait souhaité « ouvrir le débat sur le nombre de renouvellements possibles des mandats du président » comme elle l’a écrit dès le 2 janvier par courriel au président du comité statutaire du Medef, vaut candidature, du moins pour ses opposants.
« On ne change pas les règles du jeu cinq mois avant une élection », s’est ainsi offusqué le président du Groupe des fédérations industrielles (GFI) Pierre Gattaz, jugeant que ce serait « irresponsable » et « désastreux » en termes d'image et de crédibilité. « Cela ressemble à la Russie de Poutine », a encore ajouté celui qui vient de dévoiler son intention de briguer la succession de Laurence Parisot.
Pour Jean-Claude Volot, autre candidat à la succession de Laurence Parisot, l’affaire est entendue : « C’est un coup d’Etat », a-t-il déclaré sans autre forme de procès. Des termes qui évoquent davantage les républiques approximatives plutôt que les salons feutrés du très chic VIIe arrondissement où le Medef a pignon sur rue. Pourtant, les couloirs du siège de l’organisation patronale sont coutumiers des bagarres, pas toujours à fleurets mouchetés, qu’on s’y livre. Et cette année 2013 promet déjà de belles empoignades.
Combattante
Cette perspective n’est pas pour déplaire à Laurence Parisot, première femme jamais élue à la tête de la principale organisation patronale française. Son apparence juvénile et fragile cache en effet une détermination qui en fait une combattante redoutée. Les principales fédérations qui composent le Medef le savent bien et alors que tous les yeux étaient tournés vers les négociations sur le marché du travail, la contre-attaque s’organisait. Dès la mi-décembre, les poids lourds que sont les fédérations du secteur de la métallurgie (UIMM), du commerce (FCD), du bâtiment (FFB) ou de la chimie ont fait savoir qu’ils se mettraient en travers du projet défendu par Laurence Parisot.
Forte de son succès après l’accord obtenu sur le marché du travail elle compte bien profiter de la vague pour se maintenir au sommet. Une place qui est la sienne depuis toujours en somme. Née « avec une cuiller d’argent dans la bouche », ses parents comptent parmi les deux cents familles les plus riches de France, le monde et surtout le goût de l’entreprise est pour Laurence Parisot un langage qu’elle pratique très tôt. Elle fera ses premières armes professionnelles dans des instituts de sondage et dès 1986 elle devient directrice générale de l’Institut Louis Harris. Quatre ans plus tard, elle a alors 31 ans, elle prend la direction de l’Ifop dont elle est toujours vice-présidente.
Ses études, Sciences Po et droit, lui donnent le goût du politique et dès 2001, grâce à des relations subtilement choisies et à ses activités à l’Ifop, elle a désormais ses entrées à l’Elysée. Culottée et bosseuse, elle est réputée n’avoir peur de rien et quand en 2005 elle lorgne sur le fauteuil qu’Ernest-Antoine Seillière quitte à la présidence du Medef, elle est bien la seule à s’y voir. Huit ans plus tard, elle y a fait sa place tant et si bien qu’elle se verrait parfaitement y rester encore un peu pour poursuivre, dit-elle, avec la même équipe, l’action engagée. Mais cette fois, il n’est pas du tout certain qu’elle parvienne, malgré toute la ténacité qui est la sienne, à relancer une dynamique en sa faveur.