Marché du travail: un front commun patronat-syndicats face à la crise est-il possible?

C'est une semaine décisive sur le front social en France. Les partenaires sociaux se retrouvent jeudi et vendredi pour un dernier round de négociations sur la réforme du marché du travail et la sécurisation de l'emploi. Patronat et syndicats affichent leur pessimisme.

La réforme du marché du travail en France est un dossier en souffrance depuis des années. Rendre ce marché à la fois plus souple pour les entreprises et plus protecteur pour les salariés, c'est l'une des cartes de François Hollande contre le chômage qui touche 3,13 millions de Français. Mais l'accord n'est pas du tout acquis.

De nombreux points d'achoppement

Les organisations patronales veulent plus de souplesse pour les contrats de travail. Elles souhaitent mettre en place les accords qui permettent les baisses de salaires ou les augmentations du temps de travail si l'entreprise est en difficulté. Côté syndicats : on cherche à sécuriser l'emploi et limiter la précarité. Si certaines centrales sont prêtes à faire des concessions, elles reprochent au patronat de privilégier l'entreprise aux dépens des droits des salariés.

Pour Marie-Françoise Leflon, secrétaire nationale à l'emploi au sein de la CFE-CGC, « l’accord a été déséquilibré dès le départ ». S’il comporte des clauses qui permettent à l’entreprise d’aménager le temps de travail de ses salariés sous forme de chômage partiel ou de baisse d’activité et de maintient d’emploi, il ne comporte aucune garantie quant à la sécurité pour les salariés. Selon la négociatrice de la CFE-CGC, l’accord leur demande « plus de mobilité, plus de côté aléatoire sur leur revenus, mais en même temps il permet de les licencier plus facilement et les prive des protections juridiques ».

Pour Patrick Pierron, secrétaire national CFDT, il est temps de parler des nouveaux droits pour les salariés. Or, selon lui « le patronat aborde la négociation uniquement sous l’angle de la flexibilité ». Malgré les avancées, « tout ce qui a trait à ces nouveaux droits est renvoyé à des négociations ultérieures de branches. En revanche, la flexibilité, c’est pour tout de suite », déplore-t-il. Et au négociateur CFDT de souligner : « Il faut que l’accord puisse inciter les entreprises à proposer aux salariés des emplois sur le long terme. »

L’équation impossible

C'est la difficulté de cette négociation : comment concilier des impératifs apparemment inconciliables ? Selon Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), « on est face au besoin des entreprises de s’adapter à la conjoncture actuelle, mais cette flexibilité se paye par les salariés en terme d’emploi, de salaires et de durée de travail ». Pour arriver à plus de flexibilité et plus de sécurité, il faut un troisième acteur. L’Etat est amené à jouer ce rôle à travers les indemnisations ou les formations. « Il faut des politiques globales qui permettent d’amortir les chocs. »

Les positions se sont durcies, ces derniers temps, autour de la taxation des contrats de travail courts, de plus en plus fréquents. C'est Laurence Parisot, la présidente du Medef, qui est montée au créneau. Selon la patronne des patrons, la question des contrats courts est essentielle dans la présente négociation. Même son de cloche du côté de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) : « Ce n’est pas en augmentant la taxation qu’on augmentera l’employabilité des gens qui cherchent du travail », insiste Jean-François Roubaud, président de la CGPME. Le syndicat estime avoir fait un certain nombre d’ouvertures, notamment sur la complémentaire santé pour tous, sur le compte individuel de formation ou encore sur les contrats des travailleurs saisonniers.

Mieux vaut aucun accord plutôt qu'un mauvais accord, déclarent les syndicats tandis que le gouffre social avec le patronat se creuse. Si les partenaires sociaux ne s'accordent pas cette fois-ci, le gouvernement reprendra la main, et passera par la voie législative.

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