Quand vous étiez petite, vous étiez, paraît-il, une grande amatrice des livres de Gabrielle Vincent.
Pauline Brunner: Absolument. J’ai grandi avec ses livres, mon préféré étant le premier, Ernest et Célestine ont perdu Siméon. Et mon papa me lisait ces albums la nuit, avant de m’endormir.
Votre papa c’est Didier Brunner, le producteur du film. Forcément, sa Célestine ne pouvait être que vous.
Pauline Brunner : Ça s’est un petit peu fait bizarrement. Au début, ça ne devait pas être le cas. Et puis au début, j’ai juste donné la réplique à Lambert Wilson.
Vous n’étiez pas un peu intimidée, parce que c’est un grand Monsieur, Lambert Wilson.
Pauline Brunner : Très grand. Mais en fait, j’ai appris deux jours avant, que j’allais enregistrer avec lui. J’étais en vacances et le directeur de plateau m’a appelée un peu paniqué, en me disant qu’il lui fallait une réplique, qu’il enregistrait Lambert Wilson deux jours après, et qu’il lui fallait une réplique et que personne n’était à Paris. Et puis il savait que je maîtrisais bien le rôle de Célestine. Et donc, je suis rentrée de vacances. J’étais les doigts de pieds en éventail sur la page, et je suis arrivée à Paris, j’ai lu et relu le scénario, j’ai lu et relu les albums de Gabrielle Vincent. Le lendemain à 9 heures j’étais en enregistrement avec Benjamin et le grand Lambert Wilson.
La Célestine que vous avez vocalement interprétée c’est celle de votre enfance ou pas ?
Pauline Brunner : Eh bien je crois que c’est elle, oui. J’espère que c’est celle-là. Mais oui, j’ai l’impression.
C’est un livre pour enfants que vous avez adapté, est-ce que c’est un film pour enfants ?
Benjamin Renner : Je ne pense pas forcément. En tant que réalisateur, je ne l’ai pas vraiment conçu comme un livre pour enfants. J’ai un regard que je ne considère pas un regard pour enfants ou un regard pour adultes. Moi, je lis beaucoup de littérature adultes-enfants. Je n’ai pas vraiment de limites. Pareil pour les films. Et du coup, tous les films que je fais c’est dans cette même logique, de faire un film, et qui me plaît, et qui j’espère, plaira ensuite à un public adulte et enfant, tout public.
C’est une histoire de rencontre et d’une amitié assez improbable, entre un gros ours mal léché et une petite souris maligne, imaginée donc, dans les années 1980 par Gabrielle Vincent. C’est un classique de la littérature enfantine en France. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cet univers-là ?
Benjamin Renner : Dans l’univers des livres, déjà en termes de dessin, c’est vraiment magique. C’est un dessin qui est super fort. Qui est juste esquissé à chaque fois et qui raconte des émotions très, très fortes, simplement de la vie quotidienne. C'est-à-dire que ce ne sont pas des grandes histoires. C’est Célestine qui casse une tasse, Ernest qui la gronde et range la tasse. Mais il y a des émotions très, très fortes là-dedans. C’est vraiment tout cet univers que je voulais qu’on retrouve à l’écran, toute cette sensibilité aussi, qui passe par le dessin.
Alors au début, Ernest et Célestine ne se connaissent pas. Ils vivent chacun dans leur monde, le monde des ours et des souris. Deux mondes radicalement différents. Qu’est-ce qui réunit ces deux personnages avant même qu’ils ne se rencontrent ?
Pauline Brunner : Eh bien leur marginalité. C’est que ce sont tous les deux, deux artistes. Célestine, on veut qu’elle soit dentiste, et elle n’en a pas du tout envie. Elle a envie de dessiner. Et Ernest, on veut qu’il soit juge. Lui aussi est un artiste, un saltimbanque, un musicien.
Ernest c’est un peu la figure de l’artiste bohème.
Benjamin Renner : Oui, c’est un peu ça. C’est l’artiste qui n’a pas vraiment envie de se mettre dans le rang et qui veut continuer à faire sa musique.
Donc qui vit tout seul, retiré…
Benjamin Renner : Dans sa cabane.
Il est un peu – alors, je n’ose pas dire misanthrope, parce que pour les ours, je ne sais pas comment on dit – en tout cas, il habite seul au fond des bois. Il n’aime pas trop ses semblables. Il est un peu voleur aussi. Il va dans les magasins, il chaparde un peu… Et puis il n’a pas le sou.
Benjamin Renner : Quand il chaparde, il ne se rend pas vraiment compte. Il a tellement faim qu’il va chaparder. Il va manger ce qu’il voit. Il ne se préoccupe pas trop de savoir ce qu’il va manger. Mais ce n’est pas un mauvais bougre, dans le fond.
Célestine c’est plutôt une enfant sage. Elle est bien élevée et quand même un petit peu chipie.
Pauline Brunner : Eh bien oui, un petit peu. Mais heureusement, parce que sinon, elle se serait fait manger !
Et c’est un petit peu la rebelle au sein de son établissement La scène du dortoir. Elle sait se tenir, mais elle n’en pense pas moins.
Pauline Brunner: Elle a un petit caractère bien trempé, quoi. Elle sait ce qu’elle veut et voilà. Et elle ne suit pas, ce n’est pas un mouton. C’est une vraie souris.