Cet accord repousse l'idée d'une nationalisation, même temporaire, du site, pour laisser le temps de trouver un repreneur. C'est bien ce que lui reprochent les syndicats de Florange qui militaient depuis des semaines pour la nationalisation, cette solution portée par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Mais selon le Premier ministre aucun repreneur crédible et ferme ne s'est présenté.
ArcelorMittal échappe donc à l'expropriation. Mais le sidérurgiste souhaitait avant tout se débarrasser des hauts-fourneaux, la partie déficitaire du site, ce qui entrainaît par contrecoup la suppression des 640 emplois qui en dépendent. Or, ces emplois sont maintenus, les salariés reclassés sur d'autres postes. De plus, et cela est crucial, ArcelorMittal s'engage à maintenir les hauts-fourneaux en état de marche afin de donner une chance à un projet de reconversion. C'est le projet Ulcos : une expérimentation grandeur nature d'un mode révolutionnaire de production de l'acier qui émet beaucoup moins de CO2 par un système de captation.
Mais la décision d'implantation dépend d'un financement de la Commission européenne qui doit se prononcer le 20 décembre et, même si Florange est choisi, ce qui n'est encore certain, il faudra des mois, voire des années avant qu'il soit opérationnel.
« Trahison »
On aurait pu s'attendre à ce que les syndicats soient satisfaits que l'emploi soit préservé, mais il n'en est rien. Dès l'annonce de l'accord par le Premier ministre, les syndicats sur place ont crié à la trahison. Ils souhaitaient une nationalisation afin « d'échapper à ArcelorMittal ». Ils affirment qu'ils ne font aucunement confiance à Lakshmi Mittal le patron du groupe qui selon eux n'a jamais tenu ses promesses.
Au niveau national, les leaders syndicaux ne sont pas plus enthousiastes. Le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault voit dans cet accord un renoncement condamnable de la part du gouvernement et rappelle les belles promesses faites aux sidérurgistes de Liège par ArcelorMittal et qui en sont aujourd'hui aux licenciements. Même inquiétude du secrétaire général de la CFDT Laurent Berger qui, satisfait de l'absence de plan social, émet quand même les plus grands doutes sur le respect par Mittal de ses engagements.
La menace de nationalisation reste cependant sous-entendue. Les moyens de pression ne disparaissent pas avec l'annonce de l'accord, explique-t-on à l'Elysée, et si Mittal ne respectait pas sa parole, la France « garde le revolver sur la table ».
Apaisements
Jean-Marc Ayrault a même regretté publiquement qu'on ait laissé Mittal prendre le contrôle d'Arcelor. C'est en effet à l'issue d'une OPA hostile, c'est-à-dire contre l'avis de la cible, en l'occurrence le groupe européen Arcelor, que le groupe Mittal en a pris le contrôle en 2006. Et le Premier ministre reçoit mercredi 5 décembre l'intersyndicale de Florange pour tenter de donner des apaisements aux salariés. Apaisements, tout d'abord, sur la volonté du gouvernement d'obliger Mittal à entretenir à perte les hauts-fourneaux jusqu'à l'émergence d'une solution. Et apaisements sur la situation des intérimaires et sous-traitants. La rencontre s'annonce tendue.
Mutisme
Les syndicats ne sont d'ailleurs pas les seuls à s'inquiéter de la bonne foi de la direction du groupe. La ministre de l'Ecologie Delphine Batho a bien résumé l'état d'esprit général en disant : « il y a un accord, il n'y a pas de confiance ». Le ministre du Travail Michel Sapin a dit qu'il comprenait les réactions de scepticisme des salariés compte tenu des antécédents de Lakshmi Mittal. Il est vrai que le mutisme observé par la direction d'ArcelorMittal depuis vendredi au sujet du maintien en l’état des hauts fourneaux a contribué à alimenter les soupçons. Edouard Martin, très actif délégué CFDT de Florange, croit savoir que l'alimentation en gaz des hauts-fourneaux, nécessaire sur le plan technique à leur conservation, serait coupée au mois d'avril.
Désavoué
Et cette affaire a bien failli entraîner la démission du ministre du Redressement productif. Arnaud Montebourg s'est senti désavoué dans sa proposition de nationaliser Florange. Mais il a été suffisamment conforté et rasséréné par le soutien explicite du Premier ministre à son encontre. Jean-Marc Ayrault s'est félicité que le ministre du Redressement productif ait haussé le ton à l'égard de Mittal pour faire pression sur la négociation et obtenir des engagements sur l'avenir de Florange. Arnaud Montebourg a finalement décidé de rester au gouvernement.