France : cacophonie à l’UMP

L’élection du nouveau président de l’UMP a tourné au psychodrame. Le nom du vainqueur n’est toujours pas connu et les deux candidats, François Fillon et Jean-François Copé, se déchirent.

Qui a gagné l’élection à la présidence de l’UMP ? Jean-François Copé ou François Fillon ? Tous les deux continuent à revendiquer la victoire pendant que la Cocoe, la Commission de contrôle des opérations électorales, une commission interne à l'UMP, est à la tâche pour vérifier les résultats, bureau de vote par bureau de vote, en présence des conseillers des deux candidats. Un travail délicat et compliqué, car des accusations de fraude ont été portées par les deux camps. A Paris, dans les Alpes-Maritimes, dans les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, des problèmes ont été notés.

Quel que soit le vainqueur, on peut tout de même dire dès maintenant que cette élection s'est déroulée selon le pire des scénarios, puisque cette première tentative démocratique à l'UMP a viré à l'expérience catastrophique et au pugilat entre les deux candidats, dont les entourages s'accusent mutuellement de tricheries et de manœuvres. La nuit de samedi à dimanche a été assez rocambolesque, et même si l'ambiance est depuis moins tendue, chacun essayant de se montrer serein, il semble que personne ne veut lâcher prise.

Quelles conséquences au sein de l'UMP ?

L’affrontement et la tension sont tels qu’il paraît impossible de sortir de cette situation sans séquelles : cette élection a ouvert une crise très forte au sein de l'UMP, avec une rivalité exacerbée entre François Fillon et Jean-François Copé. Le score sera vraisemblablement très serré, ce qui veut donc dire que le nouveau président n'aura pas été désigné par une majorité large et claire. Forcément, sa légitimité va en pâtir et il devra, en plus, faire face à son adversaire déçu qui ne lui fera pas de cadeau. L'UMP risque donc d'être divisée en deux camps quasiment égaux, mais très certainement rivaux, au lieu d'être rassemblée derrière son nouveau président. De ce point de vue, cette élection a complètement raté son objectif.

Mais au-delà des difficultés immédiates, on peut aussi penser que cela peut perturber la préparation des échéances électorales de 2014, le premier grand rendez-vous de l’après-présidentielle, car le parti ne va pas pouvoir se mettre en ordre de bataille instantanément. Il va falloir trouver les moyens de faire travailler tout le monde ensemble, ce qui ne sera vraisemblablement pas facile, et remobiliser les militants qui risquent de garder un goût amer après ce grand déballage qui a montré l'incapacité des dirigeants de l'UMP à gérer la situation et à mettre leurs égos de côté. Les municipales et les européennes de 2014 vont arriver très vite et, pour réussir à battre la gauche, l'UMP devra obligatoirement être rassemblée. C'est donc l'enjeu des prochains mois.

Qui peut profiter de cette situation ?

Les difficultés de l’UMP réjouissent ses adversaires politiques. A commencer par le Front national, qui est à l'affût de tout affaiblissement de ce parti. Le vice-président du FN, Florian Philippot, n'a d'ailleurs pas manqué de se réjouir de la situation en évoquant « un parti brisé en deux, affaibli, qui étale ses divisions », mais surtout en s'adressant directement aux militants UMP déçus que le Front national espère bien récupérer.

Du côté du Parti socialiste, on est aussi forcément plutôt satisfait de voir le principal parti d'opposition en situation délicate, même si Harlem Désir a estimé qu'il était de l'intérêt de la démocratie d'avoir une opposition en ordre de marche. Le premier secrétaire du PS a dénoncé une « droite coupée en deux » et a déploré la « guerre de chefs » qui fait rage à l'UMP. Ce qui lui a permis d'insister sur la différence avec le PS qui avait, lui, réussi ses primaires. Des attaques de circonstances mais pas trop virulentes quand même, car les socialistes ont eux-mêmes vécu des moments difficiles pour désigner leurs dirigeants, notamment lors du congrès de Reims, où Ségolène Royal et Martine Aubry s'étaient, on s'en souvient, affrontées violemment.

Et puis, au centre, le nouveau parti de Jean-Louis Borloo, l'UDI, Union des démocrates et des indépendants, a aussi saisi l'occasion de cette cacophonie à l'UMP pour justifier sa démarche et l'émergence d'une offre politique alternative dans l'opposition de droite.

Et Nicolas Sarkozy dans tout ça ?

Bien sûr, l’affrontement entre François Fillon et Jean-François Copé, qui ont essayé de revendiquer, chacun à leur manière, leur proximité avec Nicolas Sarkozy durant la campagne, pose la question du positionnement de l’ancien chef de l’Etat. Il a pris soin de rester en dehors de la bataille pour l’élection du nouveau président de l’UMP. Il n'a même pas pris part au vote. Mais il a dû constater, comme certains de ses soutiens, que sa succession est difficile et qu'il n’y a à ce jour aucun nouveau leader naturel à l'UMP. Ce qui n'est peut-être pas pour lui déplaire.

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