Le maire de Sevran en grève de la faim pour les communes défavorisées

Stéphane Gatignon, maire Europe Ecologie-Les Verts de Sevran, en Seine-Saint-Denis, a entamé une grève de la faim vendredi 9 novembre afin d’obtenir des pouvoirs publics les 5 millions d’euros qui manquaient à sa commune pour boucler l’année. Installé comme un sans-abri devant l’Assemblée nationale à Paris, il dénonce l’injustice du système.

Nul doute que s’il n’était pas maire et très médiatisé, Stéphane Gatignon aurait déjà été convié à quitter illico presto la place Edouard-Herriot, minuscule triangle de bitume adjacent à la façade est de l’Assemblée nationale dans le VIIe arrondissement de Paris, ce quartier des ministères que les forces de police quadrillent jour et nuit.

Comme un sans-abri

Devant sa tente Quechua avec son bonnet sur la tête, son jean et sa parka gris souris pour couvrir une silhouette déjà maigrichonne, rien ne le distingue vraiment, à première vue, d’un sans abri, situation qu’il s’est imposée depuis vendredi 9 novembre afin d’attirer l’attention sur la situation dramatique de sa ville de Sevran (Seine-Saint-Denis), listée parmi les cent plus pauvres de France.

« La faim ? Ça va, dit-il, je tiens le coup. Pour la fatigue aussi. Mais c’est le froid qui commence à devenir dur à supporter ». Avec 6 degrés au thermomètre en ce milieu de matinée de mercredi, on n’ira pas contredire celui qui s’était déjà distingué en juin de l’année dernière en déclarant vouloir légaliser le cannabis et en demandant aussi l’intervention des casques bleus dans sa commune, pour lutter contre les trafics en bas des immeubles.

Aujourd’hui, c’est un autre combat qui l’anime. « Sevran est endettée mais elle ne fait pas partie de ces communes qui ont des dettes parce qu’elles ont contracté des emprunts toxiques », rectifie-t-il. « C’est juste que nos recettes fiscales sont trop faibles et que notre taxe d'habitation est l’une des plus élevées du département », poursuit-il, soudain pris d’une toux sèche et tenace, résultat de cinq nuits passées sous la tente, emmitouflé dans un sac de couchage posé sur un matelas pneumatique.

Avec un taux fixé à 21% de la valeur locative, la taxe d’habitation à Sevran (50 000 habitants) est en effet trois fois supérieure à la moyenne en Seine-Saint-Denis alors que, depuis les départs de Kodak et de Westinghouse dans les années 1990, la ville - qui fait pourtant des faveurs aux PME - dispose de ressources limitées. Et comme un habitant sur cinq n’est pas imposable et que plus d’un jeune sur trois est sans emploi, on comprend le désarroi de Stéphane Gatignon, élu en 2001 sous la bannière communiste, avant de rejoindre en 2009 les rangs d’Europe Ecologie.

Preuve que son geste a porté, il a reçu dès samedi la visite du ministre de l’Intérieur et ancien maire d’Evry (Essonne) Manuel Valls, puis celle de Claude Bartolone, député de Seine-Saint-Denis durant vingt-cinq ans avant de devenir, en juin dernier, président de l’Assemblée nationale. « Eux me comprennent car ils ont été confrontés aux mêmes problèmes mais j’ai l’impression que c’est loin d’être le cas de tout le monde au gouvernement », se désole Stéphane Gatignon.

Il aurait pourtant des raisons d’être satisfait. Dès samedi, le ministre de la Ville François Lamy a promis de débloquer 4,7 millions d’euros qui seront versés par l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) à sa municipalité. Et mardi, son cas et celui des inégalités entre collectivités ont été longuement débattus tout à côté, sur les bancs de l’Assemblée, lors d’une session à laquelle il est venu assister.

Rééquilibrage et péréquation

Le maire gréviste de la faim a pourtant décidé de poursuivre son combat au nom des villes de banlieue qu’il estime oubliées du système. Il a par exemple mal digéré - si l’on peut dire - que le gouvernement mandate le préfet de Seine-Saint-Denis pour résoudre les problèmes de Sevran, une manière de botter en touche. « Mandater le préfet, c’est se moquer du monde, s’énerve-t-il. Le préfet, je peux l’avoir au téléphone quand je veux. »

Le nouvel objectif de Stéphane Gatignon : que soit mieux appliquée la péréquation, ce mécanisme qui permet de rééquilibrer les revenus entre communes riches et communes pauvres. Ses propos sont remontés jusqu’à l’Elysée au point que, interrogé sur le sujet, François Hollande a déclaré lors de sa conférence de presse de mardi qu’il comprenait « la détresse du maire » et que le gouvernement allait « prendre des décisions ».

S’il a « bien aimé » cette partie du discours du chef de l'Etat, Stéphane Gatignon a décidé de prolonger sa grève de la faim jusqu’à obtenir satisfaction : qu’un fonds d'urgence soit créé en faveur des villes les plus en difficulté et qu’une augmentation substantielle des dotations de solidarité urbaine soit décidée.

Le gouvernement propose une hausse de 180 millions d’euros mais le maire de Sevran estime qu’il faudrait au moins le double. « Si le mouvement des pigeons a pu obtenir gain de cause en un après-midi au ministère des Finances (1), il n’y a pas de raison que les collectivités ne puissent pas être entendues », se justifie-t-il, avant de s’asseoir sur un banc public pour accorder une nouvelle interview.

(1) début octobre, les revendications du mouvement des entrepreneurs contre des mesures fiscales avaient été entendues et retirées du projet de loi de finances par le minstre de l’Economie et des Finances Pierre Moscovici.

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