L'occasion était trop belle, pas question de la rater. Le Figaro ayant eu accès en exclusivité aux données non encore publiées du ministère de l'Intérieur, c'est avec une certaine délectation qu'il vient de sortir les chiffres de la délinquance du mois d'octobre, grillant au passage la politesse à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales. Selon le quotidien de droite, « ces données incontestables sont catastrophiques ». Et le journal d'aligner des chiffres qui font mal : 44 000 faits de violence ont été recensés en un seul mois, soit une augmentation de 9% en ville et de 24,9% en zone gendarmerie.
Dans le même laps de temps, les atteintes aux biens, cambriolages et autres vols (environ 190 000 faits) ont augmenté de 8%, et les infractions économiques et financières (29 000 faits) de presque 18%. Les effractions de résidences secondaires ont grimpé de 16,4%, et les vols à main armée de 7,4%. « Un cauchemar sur le plan statistique », fait mine de se désoler Le Figaro.
« Une barrière a cédé... »
En réalité, ces chiffres sont probablement ceux auxquels s'attendaient de nombreux policiers sur le terrain et pas mal d'hommes politiques de l'opposition. Comme si l'avènement d'un gouvernement de gauche envoyait à chaque fois un mauvais signal aux voyous, comme si tout à coup ces derniers croyaient pouvoir agir en toute impunité ou échapper plus facilement à la loi.
A propos des 38 policiers blessés en service au cours du seul mois d'octobre, Le Figaro cite ainsi Bruno Beschizza, l'ancien patron du syndicat de policiers Synergie : « Cette banalisation signifie qu'une barrière a cédé... ». En attendant, les policiers en patrouille ne lâchent rien puisque le « nombre de mis en cause a lui aussi augmenté de 8%, avec plus de 111 000 suspects appelés à rendre des comptes à la justice ».
Pour en finir avec l'instrumentalisation politique
Côté Place Beauvau, la riposte ne s'est pas fait attendre. Dès l'aube, le cabinet de Manuel Valls a publié un très long communiqué à l'intitulé explicite : « Pour en finir avec l'instrumentalisation. Les Français ont droit à la transparence ». Ainsi donc, ne pouvant revenir sur les chiffres eux-mêmes, le ministre a choisi de contre-attaquer sur un autre terrain, celui des méthodes statistiques.
Ce qui lui permet de tacler d'entrée de jeu la politique du chiffre prônée par Nicolas Sarkozy : « En fixant à l'avance aux policiers et aux gendarmes des objectifs normés de baisse de la délinquance et en indexant l'évaluation personnelle des responsables, et parfois certaines de leurs primes, sur ces indicateurs, le gouvernement précédent a favorisé certaines évolutions artificielles des chiffres ne correspondant pas à la réalité ». En d'autres termes, on a pendant plusieurs années maquillé la réalité et menti aux Français.
Un appareil statistique transparent est en préparation
Et Manuel Valls d'enfoncer le clou en détaillant « les ressorts de ces mécanismes bien connus de tous les policiers et les gendarmes », à savoir « le refus d'enregistrer certaines plaintes, la déqualification de certains délits en contraventions, l'évaporation de certaines plaintes dans le processus de centralisation statistique, etc ». Aujourd'hui, Manuel Valls veut tout remettre à plat. Et il n'a pas attendu un article caustique du Figaro pour y réfléchir.
En fait, on peut même dire que la réforme du système statistique d'enregistrement des crimes et des délits, c'est un peu sa « marotte » depuis son arrivée à la Place Beauvau : dès qu'il le peut, il en parle à qui veut bien l'entendre, pour sensibiliser tous les fonctionnaires concernés à ces questions complexes. Il est vrai que les réformes qui vont être engagées entraîneront des changements en profondeur. Il faudra pour cela disposer de nouveaux outils informatiques, plus performants, plus rapides, plus puissants. La grande nouveauté, c'est qu'ils devront être automatisés et coordonnés. Donc transparents et apolitiques.