Jérôme Kerviel sera bientôt fixé sur son sort. Nul doute que le mauvais garçon de la finance doit être à cet instant dévoré par l'angoisse. En juin dernier, le procureur a requis contre lui la peine maximale : cinq ans de prison et 5 milliards d'euros de dommages et intérêts. Autant dire la perpétuité !
Une peine de mort civile, avait plaidé son avocat
Le médiatique David Koubbi, spécialiste du droit à l'image et peu rompu aux grand procès, a pris la relève du très célèbre cabinet Metzner, qui avait refusé de suivre Jérôme Kerviel dans sa théorie du complot.
Face aux juges, David Koubi n'a pas hésité à en faire beaucoup : attaquant la banque bien sûr, tout en réussissant à exaspérer la cour, sans oublier de vilipender la presse qu'il accusait d'être à la solde de la Société générale. Mais au bout de quatre semaines d'audiences, il n'a pas produit le début d'une preuve accréditant la thèse du complot.
Reste aujourd'hui pour la défense à subir l'épreuve de la vérité judiciaire. Si la peine est clémente, David Koubi dira qu'il a gagné. Si la peine est sévère, il affirmera que la justice est acquise au puissant. Des mots, une posture. Plus prosaïque, Jérôme Kerviel avait simplement annoncé à la fin de son procès que, sur ce coup-là, il jouait sa peau.
Quatre semaines d’audience, un chemin de croix
Cinq ans de prison ferme, soit un an de prison par milliard perdu : l'avocat général a donc requis, à l’issu du procès en appel, la peine maximum prévue pour un abus de confiance.
L'avocat général Dominique Gaillardeau articule son réquisitoire autour de quatre faits saillants. D'abord, la dissimulation : Jérôme Kerviel a fait prendre un risque à la banque, risque qu'il a masqué. Deuxio : Jérôme Kerviel a développé un sens de l'adaptation et de la répartie pour tromper les services de contrôle. Troisièmement : il s'est systématiquement abstenu d'éclairer sa hiérarchie sur les risques qu'il prenait. Et enfin, selon l'avocat général, le trader a fait preuve de sa volonté de tromper : pour emporter la conviction de ses interlocuteurs, il a produit de faux courriels.
Pour Dominique Gaillardeau, la théorie du complot soulevée par la défense n'est qu'une fable. « Si les contrôles de la Société générale ont été défaillants, souligne-t-il, rien n'obligeait Jérôme Kerviel à s'engouffrer dans les failles du système. »
Sa responsabilité est donc pleine, entière et sans partage. Et l'avocat général de conclure : « Jérôme Kerviel est un pervers manipulateur, la sanction doit être exemplaire et dissuasive. »
Les défaillances de la Société générale
L'avocat général a évoqué ces problèmes de contrôle à la Société générale, qui avait négligé plus de 70 alertes sur le comportement de son trader. A ses yeux, la meilleure preuve que la banque n'a rien vu, c'est que les positions prises par Jérôme Kerviel étaient déjà potentiellement perdantes plusieurs mois avant que n'éclate le scandale, et rien ne s'est alors passé.
Le problème, souligne l'accusation, c'est « qu'on cherchait l'erreur technique au lieu de chercher la fraude ». C'est ainsi que Jérôme Kerviel a pu éteindre une à une les alertes par de simples mails mensongers. Toutefois, rappelle le parquet, « la négligence, même critiquable, de la victime, n'en fait ni un complice ni un co-auteur ».
La défense dans une impasse
Pour Jérôme Kerviel et sa défense, ce procès fut un véritable chemin de croix. D'habitude hautain et désinvolte, Jérôme Kerviel a affiché un tout autre visage une fois seulement, affirmant : « J'ai été éduqué dans une famille qui a des valeurs, celle du travail, pas celle de l'argent. » Mais il n'y aura pas un regret, jusqu'au bout le mauvais garçon de la finance aura soutenu la thèse de l'employé dévoué et roulé par le système.
Pourtant, jamais la défense emmenée par le médiatique David Koubbi n'a produit le début d'une preuve pouvant accréditer la thèse du complot. Même la déposition intéressante de Philippe Houbé, le témoin de dernière minute, venu exprimer sa conviction que la banque ne pouvait ignorer les positions à risque de son trader, n'a pas convaincu, faute d'éléments matériels.
David Koubbi s'est limité à des effets de manche, des coups d'éclat sur les marches du palais. Pire : ses effets d'annonce à répétition ont rapidement lassé la présidente de la cour, Muriel Filippini, qui n'a pas ménagé M. Kerviel et ses conseils.
Du pain béni pour les avocats de la Société générale, qui ont vite compris que cette défense tonitruante était leur meilleur atout. En s'enlisant dans la thèse de la machination, l'ex-trader et ses avocats n'ont jamais réussi à instiller le doute. Et ils se sont noyés.