Septembre : la rentrée. Les vacances sont terminées, la fin de l'insouciance…Tout le monde connaît cela, y compris au sommet de l'Etat. Les signes que la crise s'aggrave sont là. Plus de trois millions de chômeurs, la litanie des plans sociaux, et des perspectives de croissance guère souriantes : la France va frôler la récession cette année et sera en dessous des 1% l'an prochain - 0,8% selon le chiffre annoncé par François Hollande au soir de dimanche 9 septembre à la télévision.
L'heure n'est pas aux lendemains qui chantent. Oublié « le changement », l'heure est au « redressement ». Le président a entendu l'impatience des Français, il a vu surtout sa cote de popularité baisser dangereusement. Alors il a avancé la rentrée des parlementaires.
Une accélération qui n'a trompé personne. « On nous a convoqué à partir du 11 septembre, explique l'ancien ministre UMP Thierry Mariani, pour la première fois depuis dix ans dans l'opposition. Mais j’ai l’impression que c’est pour donner l’impression que le gouvernement allait agir. Regardez le programme de la semaine prochaine : il n’y a rien ! »
Seulement deux projets de loi ont été inscrits au programme de la session extraordinaire : le logement et les emplois d'avenir, pour réduire le chômage chez les jeunes non diplômés. Plus une proposition de loi émanant d’un député sur la tarification graduée de l’énergie. Et c’est tout.
« Le temps médiatique n'est pas le temps politique »
L’opposition ironise sur l’impréparation du pouvoir socialiste. En petit comité, le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, en renvoie la responsabilité à Christian Jacob, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui a refusé d’organiser ses journées parlementaires la même semaine que la majorité.
Le gouvernement rappelle aussi que plusieurs grands chantiers sont sur les rails : les contrats de génération pour lutter contre le chômage de plus jeunes et des plus âgés, le mariage pour tous ou encore, la concertation sociale sur la compétitivité des entreprises et la réforme du marché du travail.
Evidemment, cela prend du temps, et peut susciter des impatiences. Mais la concertation est la méthode prônée par François Hollande, celle qu'il a vendue pendant sa campagne. Les socialistes usent et abusent aussi d’une formule très jospinienne : « Le temps médiatique n'est pas le temps politique».
« Les premiers résultats ne seront visibles que dans quelques mois, et il y a donc forcément une période difficile, reconnaît le député socialiste Jean-Marie Le Guen. Il peut y avoir ici ou là des mouvements de grogne. Mais très largement, les Français sont conscients des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Peut-être plus encore que ne le pensent certains politiques. »
Le danger de l’austérité
On se rassure comme on peut, mais le gros morceau est à venir : le budget 2013. Les arbitrages sont quasiment terminés entre Bercy, le puissant ministère des Finances, et les autres ministères. La discussion au Parlement, qui aura lieu en octobre, promet d'être saignante.
La croissance est encore plus faible que prévu, mais François Hollande ne veut pas toucher à l'un de ses engagements de campagne : limiter le déficit à 3% du PIB à la fin de l'année prochaine. L’Etat est condamné à la diète et devra faire 10 milliards d’euros d'économie. Régime aussi pour les entreprises et les particuliers ; leurs impôts vont augmenter de 20 milliards.
C’est le prix du « redressement » cher à François Hollande. Le président parle de « sérieux budgétaire ». La communiste Marie-George Buffet emploie un autre mot, plus direct : austérité. « Tous les grands économistes nous disent que les politiques d’austérité menées en Europe sont une aberration. Ça nous plonge dans la récession et on continue ! »
Pas de majorité « godillot »
L’ancienne ministre des Sports de Lionel Jospin votera d’ailleurs contre le traité européen de discipline budgétaire qui doit être ratifié par le Parlement au début du mois d'octobre, comme l’ensemble des parlementaires du Front de gauche. Quelques socialistes aussi (entre 15 et 22 députés récalcitrants ont été identifiés au ministère des Relations avec le Parlement), sans oublier les écologistes qui doivent arrêter leur position dans une dizaine de jours.
Ce serait un sérieux accroc pour la cohésion de la majorité. Le chef de la majorité, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault est d'ailleurs critiqué pour son manque d'autorité et de charisme. Mais les écologistes, élus aux législatives grâce aux socialistes, avec deux ministres dans le gouvernement, se voient en poil à gratter de la majorité, pas toujours fair-play.
« Quand on est dans une majorité, on est plus utile à faire des propositions, voire à contester, théorise Jean-Vincent Placé, le président du groupe Europe Ecologie-Les Verts au Sénat. Pas question de jouer les ‘godillots’. Mais nous soutenons bien sûr le président qui a été élu par les Français. »
Ca va mieux en le disant. Le « président normal » a aujourd'hui revêtu ses habits de « combat », selon le terme employé dimanche dernier par François Hollande. Une exigence pour affronter les grands vents de l'automne. L’été est bien fini.