« Je suis un candidat de rassemblement, de synthèse même. Je l’assume », a déclaré Harlem Désir, mardi 11 septembre, sur France info. Tout était dit ou presque pour expliquer le choix de Martine Aubry.
Mais c’est oublier qu’avant d’arborer petites lunettes, costumes impeccables et bouc bien taillé, Harlem Désir avait suscité un réel engouement. A tel point qu’au milieu des années 1980, on parlait même de « Génération Désir ». Quand le jeune étudiant en philosophie de 25 ans, co-fondateur de SOS Racisme avec Julien Dray, faisait rêver la jeunesse à une France métissée, lui le fils d’un Martiniquais et d’une Alsacienne. Quand il courait les plateaux télé et que Coluche faisait partie de ses « potes »...
Quelques décennies plus tard, il dit lui-même à Libération : « Quand on parle de moi aujourd’hui, la ligne directrice, c’est : " il était jeune et beau. Il est devenu sérieux et chiant." » Les temps ont changé.
Plus consensuel que Jean-Christophe Cambadélis, à 52 ans, l’actuel numéro 2 du PS va donc devenir le prochain premier secrétaire du parti au pouvoir. Ce n’était certes pas le candidat d’Aubry, mais le soutien ces derniers jours de ministres de premiers plans comme Manuel Valls, Pierre Moscovici, Vincent Peillon ou Stéphane Le Foll, a achevé de faire pencher la balance en sa faveur. Faisant dire à son rival qu’il n’est bel et bien que le porte-voix du gouvernement.
Condamnation
Membre du bureau national depuis 1994 après un bref passage par Génération écologie, député européen depuis 1999, l’ancien militant va mettre longtemps à s’imposer au PS. Ce n’est qu’au Congrès de Reims en 2008 qu’il prend tout à coup du galon. Il soutient Bertrand Delanoë, qui apporte ensuite son soutien à Martine Aubry. Elle lui rend la pareille et nomme Harlem Désir secrétaire national à la coordination.
Harlem Désir se montre loyal à la première secrétaire. L’entente est un peu plus que cordiale. Premier secrétaire par interim pendant la primaire en 2011, il réussit - et c’était loin d’être gagné - à maintenir l’unité du parti. Mais Aubry n’apprécie guère de voir son bras droit se rapprocher un peu trop près d'Hollande.
Seule aspérité dans ce parcours parfait : sa condamnation en 1998 à 18 mois de prison avec sursis pour recel et abus de biens sociaux, condamnation que la droite se plaît à rappeler.
Plus petit dénominateur commun
Un homme sans charisme, jamais élu par les militants, qui manie soigneusement la langue de bois. Voilà ce que lui reprochent ses détracteurs au sein du parti, plus que ce faux pas. Une stratégie payante en tout cas. Harlem Désir va enfin être numéro 1.
Mais lui qui disait vouloir un « vote ouvert » est aujourd'hui le résultat des comptes d’apothicaires de l'appareil socialiste. Bref, le « plus petit dénominateur commun ». Le plus rassembleur, certes. Mais surtout le moins dérangeant, selon certains.
A La Rochelle, Martine Aubry avait fixé « quatre exigences » pour le parti, et donc pour le futur numéro 1 : « soutien au président et au gouvernement » en premier lieu, « réflexion », « rénovation » et enfin « européanisation » du PS. Du pain sur la planche pour Harlem Désir.
Homme de paille
«Il s’installe dans une situation complexe qui va se compliquer », a déclaré Jean-Christophe Cambadélis ce mercredi. Une phrase un brin ironique mais qui résume bien les difficultés auxquelles le nouveau premier secrétaire du parti au pouvoir risque d’avoir à faire face. Le mode de désignation du nouveau chef de Solférino a quelque peu heurté les militants et semble encore avoir entamé sa légitimité.
Harlem Désir n’a pas vraiment la stature de l’homme fort. Mais il est vrai que c’est rarement le cas du chef du parti majoritaire. Reste que pour lui, le risque, c’est de n’être qu’un homme de paille, comme tendrait déjà à le prouver le choix de Guillaume Bachelay, le brillant député fabusien de Seine-Maritime, mais surtout proche de Martine Aubry, pour le seconder.
Plus évident encore, Harlem Désir semble avoir été désigné pour n'être qu’un premier secrétaire de transition en attendant le Congrès prévu à mi-mandat du quinquennat. Car le Congrès de Toulouse en octobre prochain n’a qu'une importance secondaire. La ministre de la Réforme de l’Etat, Marylise Lebranchu l’expliquait hier mardi : « Ce Congrès, c’est celui du rassemblement de la famille. Qu’on le fasse avec Harlem Désir ou avec Jean-Christophe Cambadélis, ça n’a pas d’importance. En revanche, le Congrès suivant sera celui qui déterminera l’orientation pour le prochain mandat présidentiel. »
Rendez-vous donc en 2015. A moins que d'ici là, Harlem Désir ne déjoue tous les pronostics.