Rencontres sociales : Jean-Marc Ayrault donne le coup d’envoi

Le Premier ministre français entame les premières consultations officielles avec les huit organisations patronales et syndicales sur les grands chantiers sociaux, avant la grande conférence sociale de juillet. Beaucoup de chantiers en perspective : formation professionnelle, contrats de générations, salaires, égalité de salaires entre hommes et femmes, emploi, conditions de travail, retraites, compétitivité, etc. Jean-Marc Ayrault devra ensuite fixer l’agenda des réformes sociales.

C’est la première rencontre officielle entre le gouvernement et les représentants des syndicats et du patronat. Le Premier ministre va s’entretenir une heure avec chaque organisation ou syndicat. Les représentants CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, Medef, CGPME et UPA défileront les uns après les autres, la CFDT ouvrant le bal (tandis que le Medef clôturera la journée).

Pour les recevoir, Jean-Marc Ayrault sera entouré de quatre ministres : le ministre du Travail Michel Sapin, la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu , Marisol Touraine pour les Affaires sociales, et enfin le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. C’est la première étape de la méthode Ayrault, qu’il dénomme lui-même « méthode de démocratie sociale ».

Définir les chantiers de la grande conférence sociale

Il s'agit de définir les chantiers devant figurer au menu de la grande conférence sociale, prévue pour la première quinzaine de juillet à l'Élysée, sous l'égide du président François Hollande. Ces rencontres sociales vont se poursuivre demain (mercredi) et après-demain (jeudi) avec l’Unsa, Solidaire et la FSU. Pour clore ce premier volet, il y aura la semaine prochaine une conférence à Matignon sensée définir les chantiers prioritaires de ce que sera la conférence sociale.

Après cinq ans de relations tendues avec le pouvoir, les syndicats attendent du nouveau gouvernement un vrai dialogue. Pour Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault veut marquer sa différence et souhaite desserrer la pression pour reconstruire une relation sociale. « La méthode utilisée est une méthode très classique, constate-t-il. D’abord des rencontres bilatérales entre le Premier ministre, les syndicats et le patronat, ensuite un diagnostic partagé, suivi d’une grande conférence où on établit un calendrier de réalisation et ensuite une répartition des rôles. Et c’est sur ce dernier point, c'est-à-dire qui fait quoi, où l’on peut s’attendre à du nouveau ».

L'un des maître-mots de Jean-Marc Ayrault est la concertation, avec probablement une plus grande implication des syndicats dans les décisions gouvernementales. Est-ce que la gauche sera moins centralisatrice que la droite ? C'est bien sûr le Parlement qui a toujours le dernier mot (puisqu'il vote les lois), mais avant d'arriver à l'Assemblée, la proposition de loi fera l'objet de débats entre les partenaires sociaux. En Espagne, on appelle cela la « législation négociée », et c'est ce que l'on pourrait voir poindre en France.

Une concertation qui pourrait connaître ses premiers faux pas

Jean-Marc Ayrault va devoir éviter une première polémique, concernant le décret de retour à la retraite à 60 ans pour certains salariés et celui sur la hausse du Smic. Sur le coup de pouce au Smic, les syndicats ne sont pas dupes et savent qu’il sera difficile d’obtenir une augmentation conséquente. Force ouvrière réclame un smic à 1 340 euros net. FO, qui reviendra aussi sur la retraite à 60 ans : son secrétaire général Jean-Claude Mailly attend déjà le gouvernement au tournant. Il n'a pas oublié la promesse de campagne de François Hollande, qui s'était engagé à revenir sur la réforme des retraites, pour accorder le départ à 60 ans pour les carrières longues.

Et FO entend bien peser sur les modalités du décret à venir. « Là, explique Jean-Claude Mailly, on va avoir un vrai sujet de discussion. Quelle est la méthode qui sera retenue par le gouvernement pour calculer l’ouverture des droits ? Est-ce que l’on ne prendra que les périodes cotisées ? Ça veut dire par exemple que les gens qui ont été au chômage sur des périodes assez longues ne pourraient pas en bénéficier. Ou est-ce qu’on prendra la période validée, ce qui permettrait à plus de personnes de partir à 60 ans ?».

Sur la table du Premier ministre, il y aura des dossiers très sensibles, tels que le pouvoir d’achat et surtout l’emploi. La CGT vient au rendez-vous avec une liste brûlante de 46 entreprises sous le coup d’un redressement ou d’une liquidation, avec à la clé 45 000 emplois menacés. Pour enrayer la spirale des licenciements, la CGT souhaite le renforcement du chômage partiel et des contraintes plus sévères pour freiner les licenciements boursiers. Le bâtiment, les télécoms, la grande distribution, la sous-traitance automobile, l'aérien, sont autant de secteurs en difficultés qui risquent de mettre le gouvernement en face d'une nouvelle vague de chômage.

De son coté, la CFDT réclame plus de moyens pour Pôle emploi, et attend que le gouvernement clarifie la répartition des rôles avec l’exécutif. Pour Laurent Berger, en charge des affaires sociales à la CFDT, « il y a une urgence sur l’emploi des jeunes et l’emploi des séniors et des demandeurs d’emploi longue durée. Déjà il y a des choses à faire en terme de mise en œuvre des contrats d’avenir, des contrats aidés, de la formation des chômeurs, de l’évolution professionnelle des salariés et de la sécurisation des parcours professionnels ».

Le patronat, qui sera reçu mardi après-midi, a déjà tranché sur le droit au départ à la retraite à 60 ans : inenvisageable pour lui d’alourdir les charges en augmentant les cotisations vieillesse, pas plus qu’augmenter le Smic. Des mesures qui risquent de plomber le coût du travail et qui, par ricochet, affecteraient la compétitivité et donc de peser sur l’emploi.

Avec des carnets de commande à la baisse, les entreprises éprouvent déjà assez de difficultés. Pour Benoit Roger-Vasselin, président de la commission « marché du travail, emploi et formation » au Medef, il est important de rappeler au gouvernement les limites à ne pas dépasser. « C’est particulièrement vrai pour le financement de la protection sociale et les conséquences que pourraient avoir la manière dont les nouveaux pouvoirs publics vont appliquer les réformes qu’ils souhaitent faire et il est important que nous partagions ces convictions avec ce nouveau gouvernement », plaide-t-il.

C'est donc dans un contexte difficile, qui pourrait mettre à rude épreuve le volontarisme affiché de François Hollande, que le gouvernement Ayrault va devoir jongler pour tenter de rassurer les uns sans effrayer les autres, avec (en plus) en ligne de mire, la victoire de son camp aux élections législatives des 10 et 17 juin prochains.

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